La censure et dictature vont de plus en plus loin.
Seront pénalisés par cette loi : les ONG, les journalistes et les lanceurs d'alerte qui dévoileront les "secrets des entreprises", mais pas n'importe lesquelles :
Le texte prévoit en effet de punir de 3 ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende le fait de “révéler à une personne non autorisée à en avoir connaissance une information protégée relevant du secret des affaires de l’entreprise (…) dont la divulgation non autorisée serait de nature à compromettre gravement les intérêts de cette entreprise en portant atteinte à son potentiel scientifique ou technique, à ses positions stratégiques, à ses intérêts commerciaux ou financiers ou à sa capacité concurrentielle“.
Donc, nous ne pourrons plus révéler, si nous comprenons bien, les liens d'intérêts, les trafics d'influence, les contenus criminels des vaccins, les OGM, les nano-particules, les guerres génocidaires, etc..
Dormez tranquilles braves gens vous êtes dans le Pays de la dictature, de la censure et de la démocraseuse.
Les affaires au secret
La nuit dernière, sur l'initiative d'un député réputé proche des services de sécurité, l'UMP a fait adopter une proposition de loi qui augmente considérablement les secrets touchant la sphère commerciale et industrielle. Une manière élégante de dissuader ONG, journalistes et lanceurs d'alerte de révéler aux citoyens les dessous des grands groupes.
Un hémicycle clairsemé a adopté, ce lundi 23 janvier à 23h, la proposition de loi de Bernard Carayon visant à sanctionner la violation du “secret des affaires“. Créée pour lutter contre l’espionnage économique, elle pourrait se retourner contre les “lanceurs d’alerte“, et donc les sources des journalistes (voir notre article sur une loi anti-WikiLeaks).
Une proposition de loi, censée lutter contre l'espionnage industriel, pourrait bien se retourner contre ces "lanceurs ...
Le texte prévoit en effet de punir de 3 ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende le fait de “révéler à une personne non autorisée à en avoir connaissance une information protégée relevant du secret des affaires de l’entreprise (…) dont la divulgation non autorisée serait de nature à compromettre gravement les intérêts de cette entreprise en portant atteinte à son potentiel scientifique ou technique, à ses positions stratégiques, à ses intérêts commerciaux ou financiers ou à sa capacité concurrentielle“.
Dans son rapport d’information sur sa proposition de loi visant à sanctionner la violation du “secret des affaires“, Bernard Carayon écrit que “selon le délégué interministériel à l’intelligence économique, le nombre d’attaques économiques, au sens large (débauchage d’un cadre, harcèlement juridique, atteinte à l’image, vol de secret industriel, etc.), visant des entreprises françaises, est en forte croissance” :
Selon son service, 1 000 atteintes économiques ont été recensées en 2010, un quart d’entre elles constituant des violations du secret des affaires.
Oh, wait : nous parlons donc là de 250 affaires… à comparer aux milliers d’articles de presse écrits à partir de documents internes à des entreprises émanant d’autant de sources au sein de ces entreprises. Si la proposition de loi est adoptée en l’état, ce nombre pourraient chuter à mesure que les salariés se verront menacer de 3 ans de prison assortis de 375 000 € d’amende.
Un amendement a certes été adopté, à la demande du syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN), afin de permettre aux journalistes de produire des documents couverts par le “secret des affaires“, sans courir pour autant le risque d’être condamné pour recel de violation. Mais, comme l’a souligné Jean-Jacques Urvoas, cela ne peut qu’entraîner une “complexité accrue pour des journalistes économiques voulant simplement faire leur métier“, et pas seulement :
Je sais bien que vous répondez que le droit commun continuera de s’appliquer et que la loi prévoit de sanctionner celui qui divulgue l’information, et non celui qui la publie. Mais l’argument peut laisser sceptique, puisque, si l’on peut certes évacuer le principe de complicité, le journaliste pourra néanmoins être poursuivi pour divulgation.
Dans le même ordre d’idée, une ONG qui, comme Sortir du Nucléaire, publie des documents internes révélant la dangerosité des EPR, pourrait elle aussi être poursuivie pour avoir rendu public un “secret des affaires“.
La loi prévoit certes que ne pourront être accusés de “violation du secret des affaires” ceux qui auront informé ou signalé “aux autorités compétentes des faits susceptibles de constituer des infractions“, mais pas les documents internes révélant, non pas des “infractions“, mais des dysfonctionnements, anomalies, travers ou fiasco “dont la divulgation non autorisée serait de nature à compromettre gravement les intérêts de cette entreprise“…
Vers un droit à la vie privée des entreprises
“S’agit-il de protéger M. Carlos Ghosn ?“, s’est interrogé pour sa part le député Jean-Pierre Brard, “qui en toute impunité jette aux chiens l’honneur de trois de ses salariés dans une rocambolesque affaire d’espionnage digne d’un mauvais feuilleton américain ?“. Par ailleurs secrétaire de la commission des finances, il s’est d’abord interrogé sur la pertinence d’une telle loi :
Faut-il créer une infraction spécifique aux contours aussi larges, au risque de porter atteinte au droit à l’information ? C’est là que réside notre principal point de désaccord avec vous.
De plus, de nombreuses dispositions pénales protègent un large spectre d’informations, qu’il s’agisse d’un secret de fabrication breveté, du secret professionnel, de l’intrusion dans un système informatique ou même de l’atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation.
Très en verve, le député estime que l’objectif réel de la proposition de loi serait de sanctuariser un “droit à la vie privée des entreprises“, et se déclare “légitimement inquiet” :
Là où vous voyez le verre à moitié vide et soulignez à l’excès les insuffisances de notre législation, nous le voyons pour notre part aux trois quarts plein.
Nous ne sommes pas certains qu’il soit nécessaire de faire usage d’une massue pour occire un moustique et nous ne pouvons nous défendre du sentiment que vous tirez aujourd’hui argument des quelques lacunes de notre droit pour tenter, en réalité, de sanctuariser le secret des affaires et lui donner la valeur d’un principe fondamental.
Après avoir martelé que “le droit de savoir et la manifestation de la vérité ne sont pas moins des principes fondamentaux que le respect du secret des affaires“, Jean-Pierre Brard s’étonne : “curieusement, c’est la logique inverse qui doit selon vous primer dans le droit des affaires“. Dès lors, les membres du comité d’entreprise ou représentants syndicaux pourraient eux aussi se retrouver museler sur l’autel du “secret des affaires“, souvent les plus à même de dénoncer les scandales du monde des affaires :
Priorité est accordée au droit des entreprises personnes morales sur le droit à l’information. Les quelques garanties auxquelles vous consentez ne sont guère que les exceptions à un principe de portée générale qui affirme le droit à la vie privée des entreprises.
Vos mesures ne risquent-elles pas de modifier le périmètre des informations que les membres du comité d’entreprise ou les représentants syndicaux seront autorisés à diffuser dans l’intérêt des salariés qu’ils représentent et auxquels ils doivent pouvoir rendre compte ?
Vous n’apportez sur ce point aucune réponse convaincante, monsieur le rapporteur. Le droit à l’information des salariés ne fait l’objet dans votre texte d’aucune mesure de protection spécifique alors qu’ils sont en première ligne pour révéler les scandales du monde des affaires.
Une usine à gaz pour les PMI-PME
Lanceurs d’alerte, journalistes, ONG, représentants des salariés ne seront pas les seuls à pâtir de la loi. Jean-Jacques Urvoas a ainsi rappelé que la CGPME a souligné “la lourdeur d’un dispositif qui apparaît plus accessible pour les grandes entreprises que pour les PME et les PMI” :
Il est rare qu’une petite entreprise innovante, en pointe sur un marché, totalement engagée dans la compétition internationale, dispose de moyens juridiques, économiques ou tout simplement humains pour mobiliser et mettre en œuvre le dispositif de classification et donc de protection que vous suggérez.
Craignant que ce genre d’entreprise ne puisse y recourir, Jean-Jacques Urvoas estime que le dispositif pourrait paradoxalement devenir “une circonstance aggravante” :
En effet, dans une procédure judiciaire, la partie défenderesse aurait beau jeu de signaler au juge l’absence de classification et de mettre en doute la nature sensible de l’intérêt économique source de litige.
Ainsi, l’impossibilité de recourir à un système de classification, en raison non pas de son défaut de pertinence mais de sa lourdeur et son coût, se transformerait en handicap aggravant la fragilité de l’entreprise.
http://owni.fr/2012/01/24/les-affaires-au-secret/