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25/11/2015

[C'EST L'ARTICLE À LIRE SUR LES ATTENTATS] "Daesh : autopsie d'un monstre" (France Inter)

[C'EST L'ARTICLE À LIRE SUR LES ATTENTATS] “Daesh : autopsie d’un monstre” (France Inter)

24 nov 2015

S’il n’y avait qu’un billet à lire sur les racines des attentats, c’est celui-ci, tout y est.

Mathieu Aron, Benoit Collombat et Jacques Monin, l’Honneur du journalisme français, chapeau bas !

Merci à tous ceux qui ont aidé à préparer ce billet INDISPENSABLE…

Source : France Inter, Matthieu Aron, 20/11/2015

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L’émission Daesh : autopsie d’un monstre

Matthieu Aron : Ce soir, enquête sur la fabrication du monstre Daesh, quelle a été l’implication de pays comme l’Arabie Saoudite et le Qatar ? Nous allons voir dans une enquête signée Jacques Monin et Benoît Collombat que l’enjeu pétrolier a pu jouer un rôle considérable.

extrait Hocham Daoud : “Tout le monde a joué avec Daesh. Tout le monde voulait jouer à travers Daesh pour s’imposer. En fait, on a créé Frankestein, aujourd’hui tout le monde essaye de trouver un moyen pour l’arrêter. Oui, il y a des moyens, s’il y a une volonté politique.”

Matthieu Aron : Pour commencer cette émission, je vous propose d’écouter cet extrait d’interview :

extrait Marc Trévidic : Si l’Émir du Katiba en Syrie de l’EI demande à main levée a ses recrues “Qui veut aller faire un attentat en France ?” vous allez avoir 200 bras qui vont se lever en une demi-seconde.

Matthieu Aron : 200 candidats au martyre. C’est le chiffre effrayant donné par le juge Marc Trévidic. Vous suivez l’enquête sur les attentats. Et ce qui nous a tous frappés, c’est ces opérations kamikazes qui se sont déroulées pour la première fois en France.

Élodie Guéguen : Oui, encore qu’il soit plus juste de parler d’attentats suicides. Pour être très précis, le terme Kamikaze désignait ces pilotes japonais qui s’écrasaient volontairement sur des cibles militaires. Là, il s’agit d’autre chose. D’ailleurs Daesh a conceptualisé ce type d’attaques dès le début de la guerre en Syrie. Daesh a même créé un terme spécifique (inghimassi), il désigne des combattants qui, les armes à la main, se rapprochent de la foule ou de leur cible et qui déclenchent leur ceinture explosive. Soit quand ils sont encerclés soit lorsqu’ils n’ont plus de munitions. C’est donc précisément le scénario de vendredi dernier.

Matthieu Aron : Et le juge Marc Trévidic, qui dans son cabinet d’instruction, a entendu des dizaines de terroristes, nous dit “il y a pléthore de candidats” et il n’est pas le seul à le dire…

Elodie Guéguen : Non, il s’agit malheureusement d’une réalité, ça semble presque inconcevable mais selon les experts, les candidats au martyre seraient même trop nombreux, c’est ce qu’a observé le chercheur Romain Caillet. L’un des meilleurs spécialistes des milieux djihadistes.

extrait Romain Caillet : “C’est pas seulement de la propagande, c’est une réalité. Il y a même des listes d’attente. En tout cas, en Syrie et en Irak, il y a des listes d’attente de gens qui sont prêts à faire des opérations martyre, des attentats suicides, aussi bien des jeunes qui viennent de quartiers sensibles en France ou des gens de bonne famille, des ressortissants du Golfe qui sont fortunés ou des Tunisiens issus de régions déshéritées du sud de la Tunisie”.

Élodie Guéguen : Les origines, les profils, sont variés, vous l’avez entendu. Mais ces kamikazes de l’EI ont un point commun, ils sont volontaires. Ce choix, ils le manifestent dès leur arrivée dans les camps d’entrainement. Deux filières existent et Daesh demande aux combattants de choisir leur filière, explique le journaliste David Thomson, auteur du livre “Les Français Djihadistes”.

extrait David Thomson : “Dès qu’on arrive en Syrie, on pose la question aux combattants au sein de l’EI : Est-ce que vous voulez être un combattant “normal” ou un combattant “inghimassi”, ça veut dire combattant, candidat, pour une opération kamikaze. Et ensuite ils suivent une sélection particulière parce que l’EI ne peut pas se permettre de voir au dernier moment un kamikaze flancher, c’est une question de crédibilité aussi pour eux.”

Matthieu Aron : Ils suivent une formation particulière, dit David Thomson, ça signifie quoi ?

Élodie Guéguen : Eh bien ça veut dire qu’ils vont être isolés du reste du groupe, ils vont être placés dans un camp d’entrainement spécifique. Comme les autres, ils recevront une formation religieuse, théologique, ils suivront aussi un entraînement militaire, mais ils seront mieux encadrés psychologiquement, mieux encadrés ou plus endoctrinés.

Matthieu Aron : Est-ce qu’on sait en quoi consistent précisément ces techniques, parce qu’il faut les appeler comme ça, de lavage de cerveau ?

Élodie Guéguen : Alors ça dans les détails, malheureusement on l’ignore. Il n’existe pas à notre connaissance de témoignages de djihadistes de Daesh qui seraient passés par ces camps de kamikazes, qui auraient ensuite renoncé à commettre une attaque suicide, puis qui auraient raconté leur expérience. À l’image de ce qu’ont fait certains repentis, comme on les appelle.

Matthieu Aron : Alors ce que l’on sait en revanche, c’est que ces candidats aux attaques suicides sont très très bien traités par les cadres de l’EI.

Élodie Guéguen : Oui, c’est d’ailleurs une des raisons qui motivent certains djihadistes à se porter candidat pour commettre une action kamikaze, selon le chercheur Roman Caillet.

extrait Roman Caillet : “Ils sont traités avec beaucoup plus d’égards que les autres combattants, ce qui fait que peut-être psychologiquement ils ont une dette envers ceux qui les ont accueillis dans ces centres. Et puis une certaine culpabilité, ils pensent ne pas avoir fait assez donc ils veulent se rattraper en faisant une grosse opération. On peut aussi penser, que certains veulent passer à la postérité. Être finalement, celui qui a permis de remporter la bataille, de prendre telle ou telle ville.”

Matthieu Aron : Vouloir passer à la postérité en se suicidant, pourtant le suicide, à ma connaissance, il est interdit par l’Islam.

Elodie Guéguen : Eh bien pas dans l’esprit de ceux qui commettent ces actes au nom de Daesh. C’est ce que nous explique Fethi Benslama, il est professeur de psychopathologie à l’université Paris Diderot.

extrait Fethi Benslama : “Pour eux ce n’est pas un suicide, c’est un auto-sacrifice. Comme le dit le communiqué qui revendique les attentats. Il utilise le mot “divorcé du monde d’ici-bas”. Divorcé du monde d’ici-bas pour se marier avec l’autre monde. Dans l’autre monde, ils vivent, ils jouissent, et même ils sont une jouissance absolue, extrême, ce qui est le processus interne par lequel quelqu’un accepte d’aller jusqu’au bout de cet acte-là.”

Matthieu Aron : En conclusion, que sait-on ce soir sur ceux qui sont morts en martyrs vendredi à Paris et ensuite à Saint Denis ?

Elodie Guéguen : Alors tous ou presque, on le sait, sont passés par des camps d’entrainement en Syrie. Maintenant il y a deux hypothèses. Soit c’est un groupe de terroristes dont les membres se connaissaient, qui se sont formés et entraînés ensemble pour mener cette attaque. Soit, et c’est une hypothèse privilégiée, soit ils ont été soigneusement sélectionnés, “castés” les uns après les autres par Daesh, ce qui montrerait un degré de préparation encore plus sophistiqué.

extrait François Hollande : “Notre ennemi en Syrie, c’est Daesh. Il ne s’agit donc pas de contenir, mais de détruire cette organisation. La Syrie est devenue la plus grande fabrique de terroristes que le monde ait connu et la communauté internationale est divisée et incohérente.”

Matthieu Aron : Face au terrorisme, une communauté divisée et incohérente, dit François Hollande. Eh bien nous allons revenir ce soir sur la fabrication du monstre Daesh. A-t-on fermé les yeux sur la montée en puissance de ce groupe terroriste ? Quelle est l’implication de l’Arabie Saoudite et du Qatar et quel rôle a joué la diplomatie française ? Avec Benoit Collombat, vous avez donc enquêté et pour bien comprendre il faut revenir au début de l’histoire. Tout part de la guerre en Irak.

Jacques Monin : Oui, de la chute de Saddam Hussein parce que lorsqu’ils le renversent, les Américains commettent deux erreurs. D’abord, ils mentent sur les armes de destruction massive et sur les liens supposés entre Saddam Hussein et al-Qaïda. Mais surtout ils marginalisent les Sunnites pour mettre les Chiites au pouvoir et Paul Bremer, qui est alors le gouverneur américain à Bagdad, commet une faute qui va jeter des dizaines de milliers de soldats aguerris dans les bras du futur EI. Cette faute, un des hommes les mieux informés de France, Alain Juillet, l’ex-patron du renseignement de la DGSE, nous la raconte.

extrait Alain Juillet : “Bremer a fait une erreur colossale. C’est qu’il donne l’ordre de licencier tous les militaires de l’armée irakienne. On envoie, je ne sais plus combien ils étaient, 200 000 ou 300 000 gens, qui vivaient avec une solde de l’armée. Ils partent avec leurs armes, ils n’ont plus rien. Et comme ils sont Sunnites et qu’on fait la chasse aux Sunnites, il va y avoir impossibilité pour eux de retrouver des emplois et autres. Donc ça va créer un ressentiment, une frustration, une haine terrible envers l’occupant et envers les Occidentaux.”

Matthieu Aron : Les Américains produisent donc un terrain de haine et un terreau sur lequel va se développer l’EI.

Jacques Monin : Oui. D’autant plus facilement qu’il n’y a plus de véritable État, les services publics n’existent plus, l’économie est moribonde, la corruption est devenue la norme. C’est donc effectivement sur ces cendres que le groupe EI va prendre racine et pour Myriam Benraad, qui est docteur en science politique et spécialiste de l’Irak, c’est un peu comme dans la jungle, ce sont les plus forts qui émergent dans ce chaos.

extrait Myriam Benraad : “Il y aura un certain nombre de groupes qui vont pulluler, les milices, les djihadistes, la tendance al-Qaïda, c’est une nébuleuse d’acteurs mais le fait est que les combattants d’al-Qaïda Irak qui deviendra l’EI sont les plus zélés, les plus déterminés. Donc l’État Islamique va faire le vide, va coopter un certain nombre de chefs de tribus, qui de fait parfois même quittent leur tribu pour rejoindre l’organisation. Donc d’une mouvance hétéroclite on a un processus d’unification et ils ont fait à mon avis fortune, bâti beaucoup de leur succès, sur cette unité qu’ils ont su construire dans un terrain qui était par ailleurs très divisé, très morcelé.”

Jacques Monin : Et sur ce terrain, une personnalité va émerger, c’est Abou Bakr al-Baghdadi qui règne toujours d’ailleurs aujourd’hui en maitre sur Daesh. L’autre groupe djihadiste dominant dans la région, c’est al-Nosra, qui est plus proche d’al-Qaïda.

Matthieu Aron : Et ces groupes qui montent en puissance, on les voit dans un premier temps plutôt d’un bon oeil chez les voisins de la Syrie et notamment en Arabie Saoudite.

Jacques Monin : Oui, parce que l’Arabie Saoudite est sunnite, elle a donc très mal vécu l’arrivée au pouvoir des chiites en Irak et l’avènement des groupes djihadistes, c’est un peu à ses yeux une manière de freiner un axe chiite (Liban Syrie, Irak, Iran) qui commence à prendre un peu trop d’espace à son goût. C’est ce qu’analyse Alain Chouet, un autre ex-patron du renseignement de la DGSE.

extrait Alain Chouet : “L’Arabie Saoudite essaye de s’opposer à la création de ce que l’on appelle le croissant chiite au Moyen-Orient et de maintenir un axe sunnite à travers l’Arabie, la Jordanie et la Turquie. Ces mouvements salafistes, sunnites, sont le seul moyen actuellement pour l’Arabie de s’opposer à la création d’un vaste ensemble chiite qui lui serait évidemment hostile.

Il y a aussi l’enjeu pour l’Arabie Saoudite de s’opposer à toutes possibilités de dérives démocratiques et nationalistes dans les pays arabes. L’État Islamique l’a dit x fois, la démocratie est une abomination.”

Matthieu Aron : Voilà donc pour le contexte géopolitique, mais ce qu’il faut préciser c’est que derrière cette toile de fond, il y a aussi des enjeux économiques absolument considérables.

Jacques Monin : C’est un aspect qui était assez peu évoqué jusqu’ici mais il y a effectivement en arrière-plan le pétrole et le gaz, parce que jusqu’ici l’Arabie Saoudite domine la production de pétrole et le Qatar celle du Gaz. Hors ces deux pays apprennent que l’Iran, leur plus farouche rival, projette de construire un pipeline qui traverserait l’Irak et la Syrie pour s’assurer un débouché vers la Méditerranée, alors ça redistribuait totalement les cartes du marché du pétrole et du gaz, et pour Alain Juillet c’est un des éléments qui vont pousser ces deux pays à déstabiliser Bachar el-Assad.

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extrait Alain Juillet :” L’Arabie Saoudite et le Qatar prennent très mal l’idée d’un pipeline qui pourrait aller depuis l’Iran jusqu’à la Méditerranée et qui pourrait donc concurrencer leurs livraisons de pétrole. Ils vont dire “mais dans le fond, le problème c’est Bachar. Bachar est en train de signer un accord qu’il ne devrait pas signer avec l’Iran, donc c’est un personnage extrêmement dangereux, donc il faut renverser Bachar. “

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Jacques Monin : Et preuve qu’un mouvement se met en route, le prince qui dirige les services de renseignements saoudiens va alors voir Vladimir Poutine, chez lui en Russie, pour lui demander de ne plus soutenir Bachar el-Assad, vous comprenez qu’il sera éconduit sans ménagement.

Matthieu Aron : Avec ou sans l’appui des Russes, une opération de déstabilisation de Bachar el-Assad est donc lancée pour des raisons économiques liées à l’acheminement du pétrole, ça on l’a compris, mais pas uniquement.

Jacques Monin : Non, l’Arabie Saoudite et le Qatar financent aussi les rebelles pour faire tomber le régime laïc de la Syrie et pour y instaurer un régime islamique extrêmement sévère, explique encore Alain Juillet.

extrait Alain Juillet : “Les opposants religieux, c’est-à-dire les Frères Musulmans – dont le Qatar est un des supports reconnus -, et les Saoudiens ne vont pas hésiter à financer des gens pour réinstaller dans ce pays laïc la vraie religion, la religion vue par les salafistes en définitive. Et c’est ça qui va se passer, donc on va voir le Qatar financer des mouvements, Jabhat al-Nosra en particulier, qui est proche d’al-Qaïda et qui va se battre au niveau religieux, en disant “il faut imposer l’islam”. Et puis il y a Daesh, là encore au départ c’est un groupement qui reçoit beaucoup d’argent, de la part, on le sait bien, de la part des Saoudiens et des Qataris. Mais qui n’a pas encore pris l’ampleur qu’il a pris, mais qui démarre.

Jacques Monin : Oui vous avez donc compris, on a deux mouvements terroristes principaux, Daesh et al-Nosra, qui sont financés par le Qatar et par l’Arabie Saoudite, et ça a d’ailleurs encore été relevé très récemment, c’était en mai 2015 dans un rapport du Congrès américain.

Matthieu Aron : Cela dit, le souci, Jacques Monin, c’est que ce financement, tout le monde en parle, mais que personne jusqu’ici n’a réussi à en apporter la preuve.

Jacques Monin : Alors plus ou moins, mais c’est très difficile parce que les circuits financiers sont compliqués à établir. Mais Pierre Conesa, qui lui est un ex haut-fonctionnaire du Quai d’Orsay, et donc un spécialiste de l’islam, croit savoir comment cet argent sort des comptes des haut dignitaires du Golfe pour arriver jusqu’aux groupes djihadistes.

extrait Pierre Conesa : “L’Arabie Saoudite est poreuse, en terme financier, parce que l’argent public et l’argent privé n’existent pas, la distinction n’existe pas. Quand il manque de l’argent dans la caisse publique, c’est le roi qui verse. Et quand il y en a trop, c’est lui qui ramasse. Et donc toutes les familles des 10 000 princes qui tournent autour, c’est exactement pareil. Et pourquoi c’est poreux ? Parce que si vous voulez, l’Arabie Saoudite, c’est une espèce de Disney World de l’islam, c’est-à-dire que tout est faux. Vous croyez que les gens sont religieux etc., en fait c’est une espèce de ghetto dans lequel il n’y a aucun cinéma, aucun théâtre. Et quand les Saoudiens sortent à l’étranger à ce moment-là ils s’éclatent, évidemment ils font tout ce qui est interdit là-bas. Et quand ils reviennent, comme ils se sentent coupables, ils achètent des indulgences. Et ces indulgences, ils ne disent pas “cet argent doit aller à al-Nosra” ou “il doit aller à Daesh”. Simplement cet argent va de fait vers ces groupes islamistes.

Jacques Monin : Vous avez compris, des indulgences. C’est en fait de l’argent qu’on donne à des fondations, des ONG saoudiennes, dont les objectifs sont parfois plus que discutables.

Matthieu Aron : L’Arabie Saoudite et le Qatar ont donc aidé des groupes djihadistes. Mais au même moment, nous aussi, la France, nous avons aidé des groupes rebelles.

Jacques Monin : Oui. L’ASL l’Armée Syrienne Libre, qu’on décrit alors à Paris comme une alternative démocratique possible, crédible, à Bachar el-Assad. Mais en fait, dès le départ, la France prend fait et cause pour les rebelles, contre le dictateur syrien. Rappelez-vous “le départ de Bachar el-Assad ce n’est qu’une question de semaines”, expliquait Laurent Fabius. Et en aout 2012, lors d’un déplacement sur la frontière turque, le ministre des affaires étrangères français prononce ces phrases désormais célèbres.

extrait Laurent Fabius : “Les personnes que je viens de voir, qui sont des syriens d’un village qui a été bombardé juste de l’autre côté de la frontière. Euh… Ces témoignages sont absolument bouleversants, j’ai dit à mes interlocuteurs que quand on entend ça, et je suis conscient de la force que je suis en train de dire. Monsieur Bachar el-Assad ne méritait pas d’être sur la Terre.

Matthieu Aron : “Ne méritait pas d’être sur la Terre.” Les mots sont terribles et ça justifie que l’on arme les rebelles.

[Olivier Berruyer : Je me permets de rappeler que c'est totalement illégal au regard du Droit International, qu'on est censé défendre en tant que membre permanent du Conseil de Sécurité de l'ONU...]

Jacques Monin : Effectivement, c’est ce qu’on pense à ce moment-là. Alors officiellement on livre des gilets pare-balles, des outils de cryptage pour les communications, des masques contre les armes chimiques, ou des lunettes de vue nocturne, mais en fait ce sont bien des canons de 20mm, des mitrailleuses, des lance-roquettes et des missiles anti-char que nous avons livrés à ces groupes.

[OB : 90 000 morts à ce jour dans l'armée syrienne (évidement non exempte de reproches) et les milices, à savoir des appelés du contingent et des civils volontaires...]

Matthieu Aron : Ces armes, officiellement destinées à l’Armée Syrienne Libre, et pourtant dans les faits, on ne sait pas trop dans quelles mains elles sont tombées.

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OB : Un islamiste de la brigade salafiste Ahrar al-Sham

avec un missile Milan français

Jacques Monin : Bah non. On le réalise aujourd’hui. L’ASL ne pesait rien. Ce qu’on appelle les rebelles, c’est une nébuleuse illisible. Certaines de ces armes sont donc effectivement passées dans les mains d’al-Nosra, le groupe proche d’al-Qaïda, et c’est ce qui fait dire à l’ex-patron du renseignement extérieur de la France, Alain Juillet, qu’on s’est planté sur toute la ligne.

OB : Robert Baer, l’ancien chef de région de la CIA au Moyen-Orient (dont le rôle est tenu par Clooney dans le film Syriana) a indiqué “Les États-Unis ont été incapables d’identifier le moindre groupe syrien dit « modéré » lorsque la guerre civile a débuté.” (Source : L’Humanité).

extrait dialogue Alain Juillet et Jacques Monin :

Alain Juillet : Moi je pense qu’il y a eu une faillite des services de renseignements dans ce domaine. Et ça se comprend, puisqu’une des premières réactions qu’on a faite, ça a été de couper les ponts, fermer l’ambassade. Une première réaction c’est de fermer l’ambassade en Syrie et de ne plus avoir de contact avec les services syriens. Mais dans ce genre de choses, il faut avoir des contacts en permanence.

Jacques Monin : On a livré des armes aux rebelles ?

Alain Juillet : Bien sûr.

Jacques Monin : La France a livré des armes à al-Qaïda ? À l’État Islamique ?

Alain Juillet : Les Américains ont livré des armes pour empêcher la progression de l’armée de Bachar contre Jabhat al-Nosra et Daesh. Les Américains ont livré des missiles anti-char encore récemment. La question, c’est qu’on entendait à ce moment-là “Nous soutenons les Syriens libres”. Mais quand on regarde sur le terrain ce que c’est que les Syriens libres, c’est rien du tout.

OB : Je rappelle que François Hollande a avoué en 2014

Matthieu Aron : La France se serait donc totalement trompée dans son évaluation de la situation. On a quand même du mal à le comprendre. Comment, au sommet de l’État français, on ait été aussi mal informé ? Comment on a pu croire que l’ASL pouvait peser face à ces groupes djihadistes ?

Jacques Monin : Alors, il y a plusieurs aspects dans cette question. D’abord, pour Pierre Conesa, qui connait bien les rouages du quai d’Orsay. C’est tout l’appareil diplomatique qui s’est laissé aveugler. C’est donc un système, un fonctionnement, le fonctionnement même du Ministère des Affaires Étrangères, qui dit-il, est à revoir.

extrait Pierre Conesa : “D’abord il y a eu un axe diplomatique qui a été dès le début extrêmement insistant sur le thème “notre ennemi c’est Assad”. À partir de ce moment-là, l’analyse de la crise a été monologique. Ça allait dans le sens de ce qu’avait décidé Fabius, et pas en fonction de ce qu’était la réalité du terrain. C’était “qu’est-ce que dit notre chef ?” et on va effectivement conforter ce que dit notre chef. C’est-à-dire “c’est Assad, il faut se battre contre Assad”. Et donc pour ne pas subventionner les groupes islamistes, c’était “on va subventionner l’ASL”. Mais c’est vrai que c’est une faillite terrible.”

Matthieu Aron : Et cette faillite elle a peut-être aussi d’autres explications.

Jacques Monin : Oui. Économiques par exemple. Là aussi, l’Arabie Saoudite et le Qatar, ce sont des partenaires économiques de la France. Et face à eux la Syrie ne pèse pas lourd. Alain Chouet, l’ancien patron du renseignement de la DGSE, qui s’est rendu plusieurs fois en Syrie, se souvient de ce qu’on lui répondait au début de la crise lorsqu’il alertait les autorités françaises sur la réalité de la situation sur le terrain.

extrait Alain Chouet : “La réaction que j’avais en général, en rentrant de Syrie, où je venais un peu raconter ce que j’avais vu, ce que j’avais entendu, les messages qu’on avait essayé de me faire passer. La réaction, une fois, la plus caricaturale, a été “écoute tu ne vas pas nous embêter avec la Syrie, c’est même pas le PNB de la Slovénie, alors on a mieux à faire avec nos amis Qataris et Saoudiens !”

Matthieu Aron : Bon, sans commentaire… Et en plus Jacques Monin, ce n’est pas la première fois qu’on se trompe.

Jacques Monin : Non. Rappelez-vous, au moment de l’intervention en Libye. On a commis le même type d’erreur de jugement (sic.). Écoutez ce que raconte à ce sujet Patrick Haimzadeh, qui est un ancien diplomate à Tripoli [Patrick Haimzadeh a travaillé à l’ambassade de France à Tripoli durant de nombreuses années. Cet ancien officier de l’Armée de l’air française est un parfait connaisseur de la Libye], qui a rencontré Benoit Collombat. À l’époque, Paris s’engage contre Kadhafi, on s’en souvient. Mais c’est le Qatar qui tire les ficelles en s’appuyant sur sa chaine de télévision Al Jazeera.

extrait dialogue Patrick Haimzadeh et Benoit Collombat :

Patrick Haimzadeh : Dès le départ, l’objectif c’était effectivement de faire sauter Kadhafi. Al Jazeera avait dès le départ mis en place une cellule de désinformation, en tout cas pour relayer les paroles de libyens qui étaient en fait dans les studios d’Al Jazeera à Doha et qui ont évoqué notamment l’histoire des bombardements. Qui a été centrale, parce que l’histoire des bombardements c’est ce qui a été repris par Nicolas Sarkozy le 21 février, 4 jours après le début de l’insurrection, à Bruxelles, pour déclarer la logique de guerre contre Kadhafi. Mais les bombardements, il n’y en a jamais eu.

Benoit Collombat : Des bombardements de populations civiles imputés aux kadhafistes ?

Patrick Haimzadeh : oui. Donc ça c’est le premier volet de l’intervention qatari, c’est l’intervention médiatique. La deuxième intervention, c’est le soutien à une certaine frange de l’insurrection, à certains courants islamistes, qui ne sont pas tous maintenant des gens qui se reconnaissent dans l’État Islamique, mais qui sont des gens qui ont été soutenus par le Qatar. Des livraisons d’armes, françaises d’ailleurs, par le Qatar, ça s’est fait.

Benoit Collombat : Est-ce que la France savait, selon vous, le jeu que jouait le Qatar ?

Patrick Haimzadeh : Bien sûr. On avait des hommes sur le terrain, on savait très bien. Il fallait que ça aille vite et l’objectif militaire premier c’était la chute de Kadhafi, donc à ce moment-là personne ne voulait voir ce qui commençait à se dessiner en Libye.

Matthieu Aron : Voilà pour la Libye donc. Retour maintenant en Syrie. On a un groupe, l’État Islamique, qui monte en puissance grâce à l’argent des Qataris et des Saoudiens, mais cette aide va peu à peu s’interrompre.

Jacques Monin : Oui parce que le groupe État Islamique devient de plus en plus dangereux, il va s’approcher des frontières saoudiennes, il devient si incontrôlable que ses alliés vont finir par couper effectivement les ponts avec lui. Et selon Alain Chouet, l’ex-patron du renseignement de la DGSE, à la mi-2013, les Saoudiens prennent en fait conscience que ces rebelles, les rebelles qu’ils ont aidés, peuvent se retourner contre eux.

extrait Alain Chouet : “À l’été 2013, le cabinet royal saoudien a coupé les vivres complètement aux frères d’Égypte, mais aussi aux mouvements violents qui agissaient aussi bien dans le nord de l’Irak qu’en Syrie. C’est là qu’apparait d’ailleurs l’État Islamique, parce que jusque-là, il n’existe pas l’État Islamique. Il y a un État Islamique en Irak, mais il n’y a pas d’État Islamique en Irak et au Levant. C’est important de le comprendre parce qu’à partir du moment où l’Arabie et le Qatar coupent les vivres au mouvement, il est obligé de sortir du bois. Et on le voit sortir du bois, sa première action, ça a été d’aller piller la banque centrale de Mossoul. Ils ont raflé 500 millions de dollars en billets et en lingots d’or avec lesquels ils se sont payés des chefs de tribus du nord de l’Irak. Qui paie, commande. N’étant plus payé par l’Arabie Saoudite, l’État Islamique échappe à son créateur et reprend la stratégie classique des Frères Musulmans, qui est de condamner la famille Saoud. Le monstre a échappé à ses créateurs.

Matthieu Aron : L’Arabie Saoudite prend donc conscience qu’elle a enfanté un monstre, et cette analyse, Jacques Monin, ce n’est pas simplement celle d’anciens patrons du renseignement français.

Jacques Monin : Non. À ce moment-là, même les plus hauts dignitaires d’Arabie Saoudite reconnaissent qu’ils ont commis des erreurs. Prenez par exemple le prince et homme d’affaires saoudien al-Walid Ben Talal. C’est l’un des plus grands investisseurs saoudiens en France, c’est la vingtième fortune du monde, il possède entre autres le George V à Paris et plusieurs hôtels de DisneyLand. Écoutez ce qu’il répond en octobre 2014 à une journaliste de CNN lorsqu’elle l’interroge sur le sujet.

extrait journaliste de CNN et Al-Walid Ben Talal

journaliste de CNN : Qu’en est-il du financement du terrorisme par des grandes fortunes saoudiennes ? Est-ce qu’il est autorisé ? Est-ce qu’on réprime le financement des groupes terroristes quels qu’ils soient ?

Al-Walid Ben Talal : Très honnêtement, je dois vous dire que oui, on avait une faiblesse de ce côté-là. Malheureusement quelques éléments extrémistes en Arabie Saoudite ont financé des éléments extrémistes en Syrie mais l’Arabie Saoudite a pris des mesures très sévères pour y mettre fin. Et maintenant tout ça c’est terminé.

Matthieu Aron : “C’est terminé.” Explique ce prince saoudien. Les choses sont peut-être un peu plus complexes.

Jacques Monin : Oui parce que comme souvent, il y a ce que l’on dit et ce que l’on fait, ou plutôt en l’occurrence ce que l’on ne fait pas. Parce que si les Saoudiens ne font plus rien pour aider le groupe État Islamique, ils ne font plus rien non plus pour lutter contre lui. Et c’est ce que remarque l’ancien haut-fonctionnaire du quai d’Orsay Pierre Conesa

extrait Pierre Conesa :L’Arabie Saoudite ne combat pas Daesh. En fait ce sont des pays de l’OTAN qui vont battre Daesh. Il y a 12 pays de l’OTAN, y compris l’Australie, plus 5 pays arabes. En fait surtout la Jordanie plus quelques pays du Golfe. Mais en fait quand on regarde la composition des forces aériennes, on s’aperçoit que l’Arabie Saoudite met autant d’avions que la Hollande et le Danemark additionnés. Mais par contre elle met 5 fois plus d’avions pour se battre au Yémen contre les Houthis, c’est-à-dire contre les chiites. Donc l’Arabie Saoudite fait la même politique que Daesh, c’est-à-dire la persécution des chiites, mais il n’y a aucune raison de se battre entre eux. La société saoudienne ne comprendrait pas pourquoi on va essayer de faire disparaitre une société qui leur ressemble autant, celle-là même qui décapite, qui crucifie, qui coupe les mains des voleurs, qui opprime les femmes et qui interdit les autres religions.

Matthieu Aron : L’Arabie Saoudite ne fait donc rien pour intervenir véritablement et en coulisses son rôle pourrait être encore plus trouble ?

[OB : Mais qui aurait pu s'en douter ? :

« Le rapport [de la Commission parlementaire que j'ai présidée sur les services de renseignement durant le 11 septembre] montre la participation directe du gouvernement saoudien dans le financement du 11 septembre. Nous savons au moins que plusieurs des 19 kamikazes ont reçu le soutien financier de plusieurs entités saoudiennes, y compris du gouvernement. Le fait de savoir si les autres ont aussi été soutenus par l’Arabie saoudite n’est pas clair, car cette information a été cachée au peuple américain. On nous dit que cela ne peut être fait pour des raisons de sécurité nationale, mais c’est exactement le contraire. Publier est important précisément pour notre sécurité nationale.

Les Saoudiens savent ce qu’ils ont fait, ils savent que nous savons. La vraie question est la manière dont ils interprètent notre réponse. Pour moi, nous avons montré que quoi qu’ils fassent, il y aurait impunité. Ils ont donc continué à soutenir Al-Qaïda, puis plus récemment dans l’appui économique et idéologique à l’État islamique. C’est notre refus de regarder en face la vérité qui a créé la nouvelle vague d’extrémisme qui a frappé Paris. » [Sénateur Bob Graham, ancien Président de la Commission du Renseignement du Sénat américain, Le Figaro, 02/02/2015]

Jacques Monin : Si l’on en croit des sources bien informées, comme on dit, l’Arabie Saoudite continuerait indirectement de financer Daesh en achetant son pétrole au marché noir avec la complicité de la Turquie. C’est ce que soutient en tout cas un fin connaisseur du sujet, l’ancien patron d’Elf, Loïk Le Floch-Prigent, qui a lui-même longtemps travaillé en Irak et en Syrie.

extrait Loïk Le Floch-Prigent et Benoit Collombat

Loïk Le Floch-Prigent : Le pétrole de Daesh ne peut sortir, ne peut être payé, que par des gens qui sont prêts à le payer et à étouffer son existence. C’est forcément un mélange de Turcs et de Saoudiens. Il n’y a pas d’autres solutions. C’est-à-dire que c’est les deux pays qui sont en contact et qui ont la possibilité de le faire.

Jacques Monin : Qu’est-ce qu’ils en font les Saoudiens de ce pétrole ? Ils le blanchissent ?

Loïk Le Floch-Prigent : Oh, ils l’utilisent forcément, ils ne peuvent pas le blanchir. Je vous rappelle qu’un pétrole a un ADN et par conséquent on sait d’où il vient si jamais il est sur le marché. Si jamais ils exportaient ce pétrole, ce serait su. Ce pétrole ne vient jamais sur le marché donc ils l’utilisent, c’est tout. La laverie s’appelle une raffinerie.

Matthieu Aron : Voilà donc pour les éléments qui jettent le doute sur l’implication du Qatar et de l’Arabie Saoudite. Et pourtant la France continue d’entretenir les meilleurs rapports avec ces pays.

Jacques Monin : Rappelez-vous, François Hollande s’est rendu dans le Golfe, c’était en mai dernier. Il signe avec le Qatar un contrat qui porte sur la vente de 24 Rafales. Et puis il y a un mois, il y a un mois à peine, en octobre dernier, Manuel Valls se rend à son tour à Ryad pour signer des promesses de contrats et voilà d’ailleurs ce qu’il lance devant un parterre de dignitaires saoudiens.

extrait Manuels Valls : Avec l’Arabie Saoudite nous avançons en confiance, nous approfondissons une relation économique que nous tournons résolument vers l’avenir. Venez investir dans notre pays au coeur de l’Europe, c’est le moment, plus que jamais.”

Matthieu Aron : À ce stade de votre enquête, Jacques Monin, ce que l’on peut retenir c’est qu’en Syrie de très nombreux pays ont joué avec le feu.

Jacques Monin : Les États-Unis qui ont déstabilisé l’Irak, les pays du Golfe qui ont financé des mouvements djihadistes, la France qui a joué les rebelles contre le pouvoir syrien sans voir qui elle avait véritablement en face d’elle et la Turquie qui laisse prospérer les trafics sur son territoire. Bref, pour Hocham Daoud qui est anthropologue au CNRS, les responsabilités sont multiples.

extrait Hocham Daoud : “Tout le monde a joué avec Daesh. Tout le monde voulait jouer à travers Daesh pour s’imposer. En fait, on a créé Frankestein, aujourd’hui tout le monde essaye de trouver un moyen pour l’arrêter. Oui il y a des moyens, on peut avoir des forces de coordinations pour venir à bout de Daesh s’il y a une volonté politique.”

Matthieu Aron : Une réponse politique, sans doute, mais en attendant c’est une réponse militaire qui est apportée.

Jacques Monin : C’est d’abord un signe adressé à l’opinion française, c’est un signe de fermeté et de détermination. Mais sur le terrain l’efficacité des frappes est limitée et rien ne dit d’ailleurs qu’elles n’auront pas des effets pervers. Écoutez ce que pense à ce sujet, l’ancien colonel de marine Michel Goya, toujours interrogé par Benoit Collombat.

extrait Michel Goya et Benoit Collombat :

Michel Goya : Vous savez, les frappes françaises c’est 3 % du total de toutes les frappes de la coalition qui n’a pas détruit l’État Islamique. Des 200 et quelques frappes que nous avons réalisées, en réalité c’est un petit coup porté à l’État Islamique, donc on peut imaginer d’augmenter les doses je dirais, mais fondamentalement ça ne va pas changer grand-chose.

Benoit Collombat : Et est-ce que ça n’alimente pas le terrorisme encore un peu plus ?

Michel Goya : Oui, cette campagne de frappes c’est un sergent recruteur remarquable pour l’État I’Islamique. La campagne aérienne, la coalition dans son ensemble a peut-être tué 400 civils. Donc tout ça, ça alimente globalement le ressentiment sur place, ça alimente l’idée que ce sont toujours les arabes sunnites qui se prennent des bombes dessus. Le bilan de la coalition, on a tué 10 000 combattants, c’est un chiffre invérifiable en réalité. 10 000 combattants mais elle en a recruté aussi un certain nombre.

Matthieu Aron : Voilà, c’est ce que l’on appelle un cercle infernal, mais comment faire autrement ? Aucune solution simple ne semble, au moins à court terme, se dégager. Reste l’autre question, qu’il est peut-être aussi temps de poser. C’est celle de nos alliances, avec Jacques Monin, notamment le Qatar et l’Arabie Saoudite.

Jacques Monin : Oui, peut-on adopter une posture morale lorsqu’il s’agit de Damas et fermer les yeux sur ce que font Doha et Riyad ? Comment peut-on être crédible si l’on fait du commerce avec des pays qui soutiennent ce que l’on dénonce par ailleurs. Là-dessus le spécialiste du renseignement Alain Chouet est catégorique.

Extrait Alain Chouet : “On ne pourra pas continuer éternellement dans une politique schizophrène qui consiste à vouloir imposer la démocratie dans certains pays en maintenant une alliance entre nos démocraties et la démocratie qui est la plus grande du monde, et les états théocratiques les plus réactionnaires de la région. On a fermé les yeux sur l’idéologie prônée par ces pays, parce qu’on ne la voyait pas, parce qu’on n’en voyait pas les effets. On n’en mesurait pas les effets parce que rien ne se passait chez nous, où s’il se passait des choses on ne les voyait pas, eh bien maintenant on les voit.

Jacques Monin : Oui, alors question. La France va-t-elle évoluer de ce côté-là ? Rien n’est moins sûr, pour l’instant Matignon affiche un embarras prudent et préfère insister sur l’évolution de ses alliés, plutôt que sur ses turpitudes.

Matthieu Aron : Merci Jacques Monin pour cette enquête réalisée en collaboration avec Benoit Collombat. Enquête à retrouver sur notre site internet franceinter.fr et la page Facebook de Secret d’Infos.

Source : France Inter, Matthieu Aron, 20/11/2015

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Annexe : on le savait, c’était dans la presse

En conclusion, je complète par quelques articles du Canard Enchaîné – Claude Angéli ayant toujours courageusement tenu son rôle de grand journaliste.

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(Source)

Les réactions après les attentats

23/11 dans El Watan, un article parmi d’autres…

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Dès le 17 novembre, Hollande a agi :

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L’opposition au moins ?

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(Source) Sérieusement ?

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“Ces investissements par les dirigeants du Qatar sont faits pour acheter, acheter !, les dirigeants français. Et ça commence avec Nicolas Sarkozy qu’ils ont acheté de toutes pièces.” [Ziad Takieddine, ancien proche de Nicolas Sarkoy, France 24, 12/04/2013]

“Un jour, Nicolas, seul à seul, me glisse avec fierté en déjeunant :

- J’aime cet homme, mon ami le Nasser [al-Khelaïfi, propriétaire du PSG]. Je te confie un secret : il m’appelle “mon frère”.

Je réponds pour le mettre en garde :

- Le Qatar en finance pas que le PSG. Ne t’es-tu jamais interrogé sur d’éventuels liens avec le terrorisme ?

Mais il est fidèle en amitié, et ne changera pas ses habitudes de conférencier exotique.” [Philippe de Villiers, Le moment est venu de dire ce que j'ai vu, 2015]

“Plus largement, la France n’est pas crédible dans ses relations avec l’Arabie saoudite . Nous savons très bien que ce pays du Golfe a versé le poison dans le verre par la diffusion du wahhabisme. Les attentats de Paris en sont l’un des résultats. Proclamer qu’on lutte contre l’islam radical tout en serrant la main au roi d’Arabie saoudite revient à dire que nous luttons contre le nazisme tout en invitant Hitler à notre table.” [Marc Trevidic, juge antiterroriste français, 15/11/2015]

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Mais bon,en 2015, il est impossible pour un État d’avoir un comportement respectable, question de RealPolitik… Non ?

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Alors du coup…

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Populistes, va !

P.S. plaisanterie à part, rien de poujadiste dans mon propos. Il y a une époque où la probité guidait la gauche comme la droite… Signe des temps, c’est tout.

Ça reviendra très probablement – après le désastre. À ceux qui me lisent et qui ont des “relations”, merci de les alerter : vous voyez bien qu’on a une sévère crise qui s’approfondit gravement, par cliquet, sans jamais de retour en arrière, et qui risque fort d’amener au désastre à terme.

 

Washington : Hollande et Obama, "la Russie doit se concentrer sur un processus conduisant au départ de Bachar AL- Assad" !

Et les deux criminels qui insistent encore pour protéger la soi-disant "armée modérée" et pour que la Russie se concentre sur un processus conduisant "au départ de Bachar Al-Assad" !

Voilà à quoi sert la soi-disant coalition créée pour s'allier à la Russie : à conduire vers la 3ème guerre mondiale et leur permettre de créer leur Grand Israël et le Grand Moyen Orient !

C'est sûrement ce que voudra entendre Poutine de la bouche de Hollande lorsqu'il le rencontrera jeudi à Moscou !

Nous espérons que non seulement il se fera ramasser mais qu'il refusera de venir en France pour assister à leur escroquerie de la COP21 !

Reliez les points avec ces deux articles :

L'avion russe abattu par la Turquie, «grave et regrettable» selon François Hollande

24 nov. 2015, 18:41

En conférence de presse, les présidents américain et français ont affiché leur solidarité.

 © Carlos Barria Source: Reuters
En conférence de presse, les présidents américain et français ont affiché leur solidarité.

Suite aux attentats de Paris, Barack Obama et François Hollande se rencontraient pour évoquer la stratégie de lutte contre Daesh, mais la réunion a aussi été fortement marquée par l'avion russe abattu par la Turquie plus tôt dans la journée.

En conférence de presse à la Maison Blanche, le président français a répondu à une question concernant l'incident entre la Turquie et la Russie survenu ce mardi 24 novembre. Qualifiant celui-ci de «grave et regrettable», il a toutefois appelé à «éviter toute escalade»«Ce qui vient de se produire nous oblige encore à trouver une solution», a-t-il déclaré.

Pour son homologue américain, l'attaque de l'avion russe révèle que l'opération aérienne menée par le Kremlin en Syrie pose certains problèmes, notamment le fait qu'elle se déroule à proximité des frontières turques et que la Russie agit «contre l’opposition modérée». Expliquant attendre des informations plus précises, Obama s'est refusé à commenter l'incident, mais a tout de même indiqué que «la Turquie, comme tout pays, a le droit de protéger son espace aérien».

En revanche, il a déclaré que suite à l'attentat terroriste qui avait frappé un avion russe survolant le Sinaï le 31 octobre, il pouvait y avoir une possible convergence des intérêts des Etats-Unis et de la Russie. Selon lui, cette dernière «pourrait jouer un rôle plus constructif» dans la campagne contre Daesh, si elle cesse de «frapper l’opposition modérée», ce qui «renforce Assad et l’Etat islamique».

François Hollande a lui adopté une position relativement semblable, en expliquant que la France pourrait travailler avec la Russie si celle-ci «se concentre uniquement sur une solution politique», c’est-à-dire un «processus conduisant au départ de Bachar el-Assad».

 

 

Si la rencontre entre les deux chefs d'Etat visait à la base à apporter une réponse conjointe après les attentats de Paris, elle a finalement été largement marquée par l'attaque d'un avion russe par la Turquie, plus tôt dans la journée. François Hollande doit rencontrer Vladimir Poutine à ce sujet ce jeudi 26 novembre.

 

 

24/11/2015

La France et Israël lancent une nouvelle guerre en Irak et en Syrie

 
Thèse confirmée par ces articles parus ce jour :
 

Selon le président français, la France et les Etats-Unis souhaitent aider les forces qui lutte contre Daech au sol et ferme la frontière syro-turque.

La France et les Etats-Unis ont décidé d'intensifier leurs frappes contre le groupe terroriste Etat islamique (EI) en Syrie et en Irak, a annoncé mardi le président français François Hollande à l'issue d'une rencontre avec son homologue américain Barack Obama à Washington.

Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a annoncé que le Gouvernement régional du Kurdistan irakien se joignait aux forces françaises et britanniques pour libérer Rakka (Syrie) de Daesh.
 

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La France et Israël lancent une nouvelle guerre en Irak et en Syrie

D’une main, le gouvernement français mobilise tous ses médias pour focaliser sa population sur les attentats du 13 novembre, puis sur la Cop21. De l’autre, il profite de l’inattention générale pour lancer avec Israël une nouvelle guerre en Irak et en Syrie. Son objectif n’est plus de renverser le régime laïque syrien, ni de détruire son armée, mais désormais de créer un État colonial à cheval sur l’Irak et la Syrie, géré par des Kurdes, afin de prendre en tenailles les États arabes. Le rêve d’une puissance israélienne du Nil à l’Euphrate est de retour.

| Skopje (Macédoine)

 
 
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Sur cette carte, publiée par Robin Wright dans le New York Times en 2013, on distingue le Sunnistan que Daesh créera en juin 2014 et où il proclamera le Califat, et le Kurdistan que la France et Israël veulent créer en 2016. On notera que cette carte ne prévoit rien pour les chrétiens qui devraient être soit transférés en Europe, soit exterminés.

Au G20, Moscou et Washington imposent de couper le financement de Daesh

Le sommet du G20 à Antalya (Turquie) s’est certes préoccupé d’économie, mais surtout de la situation au Proche-Orient. De nombreuses négociations bilatérales ont eu lieu au cours du sommet et nous ignorons les détails de ce qui a été évoqué et conclu durant ces apartés.

Cependant, le président russe, Vladimir Poutine, a dénoncé sans les nommer les États participant à la conférence qui sponsorisent Daesh. Il a montré à ses collègues des photographies satellites des convois de camions-citernes traversant la Turquie pour vendre le pétrole volé par l’organisation terroriste en Irak et en Syrie [1]. Publiquement mis en cause pour ses violations des résolutions du Conseil de sécurité et son financement de Daesh, le président turc, Recep Tayyip Erdoğan, a accusé le coup. Selon l’opposition turque, Bilal Erdoğan (le fils du président) dirige personnellement ce trafic [2].

Les présidents Poutine et Obama se sont mis d’accord pour détruire les camions-citernes de la famille Erdoğan et mettre ainsi un terme au trafic pétrolier. Le jour même, l’US CentralCommand bombardait pour la première fois depuis un an et demi des camions-citernes en Irak, tandis que l’armée russe en détruisait plus de 500 en Syrie [3].

La Russie et les États-Unis ont contraint la France à se joindre à cette opération. Faisant mine de réagir aux attentats de Paris, le président Hollande annonça sans rougir qu’il donnait ordre à ses armées de bombarder des objectifs de Daesh en Syrie, tandis que le président Poutine donnait publiquement instruction aux armées russes de se coordonner avec la France et de la traiter « comme » un allié [4]. Le président français rencontrera prochainement ses homologues états-unien et russe.

Il semble que des dispositions effectives aient été prises pour isoler les 24 établissements bancaires que Daesh utilise depuis l’Irak pour transférer de l’argent ; des dispositions que le sous-secrétaire d’État US David S. Cohen tentait vainement d’imposer depuis des mois [5].

La France et les « faucons libéraux » organisent une nouvelle guerre

Prenant acte qu’il devrait retirer Daesh de Syrie, le groupe d’États, de multinationales et de personnalités US qui organise la guerre a alors décidé d’en lancer une troisième.

- Le « Printemps arabe » (février 2011 à janvier 2013) avait été lancé par le département d’État US. Il s’agissait de renverser les régimes laïques arabes, qu’ils soient alliés ou résistant aux États-Unis, et de les remplacer par des dictatures des Frères musulmans. Après avoir renversé les présidents tunisien et égyptien lors des « révolutions » du Jasmin et du Lotus, la guerre fut déclarée à la Libye et à la Syrie (comme prévu par le Traité de Lancaster House de novembre 2010), mais les puissances coloniales ne parvinrent pas à attaquer l’Algérie (prise d’otages d’In Amenas).
- La seconde guerre de Syrie (juillet 2012 à octobre 2015) avait été lancée par la France, les « faucons libéraux » US (Hillary Clinton, Jeffrey Feltman, David Petraeus, etc.) et Israël, financée par un groupe d’États (Turquie, Qatar, Arabie saoudite, etc.) et de multinationales (Exxon-Mobil, KKR, Academi, etc.). Il ne s’agissait plus tant de changer le régime, que de « faire saigner » le pays et de détruire son armée (plus de 100 000 soldats syriens sont déjà morts en luttant contre le terrorisme). Elle a pris fin avec l’intervention militaire de la Russie.
- La troisième guerre de Syrie (depuis le 20 novembre 2015) est initiée par certains membres du même groupe, cette fois en vue de créer un nouvel État au Nord de la Syrie et de l’Irak, de manière à prendre en tenaille les peuples arabes résistant à l’expansionnisme israélien [6].

Les organisateurs de la guerre ayant pris conscience qu’il ne leur sera plus possible de continuer d’agir contre la Syrie sont convenus de reprendre et de continuer le programme qui a déjà conduit à la création du Soudan du Sud, en 2012. Ce projet correspond au plan d’Alain Juppé (mars 2011) et à celui publié par Robin Wright (septembre 2013) qui prévoyaient qu’après avoir utilisé Daesh pour créer un Sunnistan, il conviendrait de créer un Kurdistan [7].

Il ne s’agit plus ni d’une guerre prétendument idéologique (Printemps arabe), ni prétendument religieuse (Seconde Guerre de Syrie), mais prétendument ethnique.

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En 1956, le likoudnik David Ben Gourion et le socialiste Guy Mollet se rencontraient secrètement à Sèvres pour conclure une alliance et s’emparer du Canal de Suez. Aujourd’hui leurs successeurs, le likoudnik Benjamin Netanyahu et le socialiste François Hollande, ont conclu un pacte pour s’emparer du Nord de l’Irak et de la Syrie. Jadis, les puissances coloniales pratiquaient la « politique de la canonnière », aujourd’hui, elles préfèrent utiliser le terrorisme.

Les opérations secrètes sur le terrain

Pour ce faire, ils sont parvenus à retourner le parti kurde syrien marxiste-léniniste YPG (désormais dénommé « Forces démocratiques de Syrie ») et à l’allier au clan Barzani d’Irak. Certes, les deux groupes sont kurdes, mais ne parlent pas la même langue, ils se sont entretués durant toute la Guerre froide, et se réclament d’idéologies diamétralement opposées [8].

Rappelons au passage que, désormais, le Gouvernement régional kurde d’Irak est une dictature. Son président Massoud Barzani, un agent du Mossad installé par le Royaume-Uni et les États-Unis, s’accroche au pouvoir depuis la fin de son mandat, en juin 2013 [9].

Ils ont poussé les « Forces démocratiques » (sic) à kurdiser de force les populations non-Kurdes du Nord de la Syrie (octobre 2015), provoquant le soulèvement des arabes et des chrétiens assyriens et la colère de Damas, mais aucune réaction internationale [10]. Il n’y en avait d’ailleurs pas eu lors de l’annexion des champs pétroliers de Kirkouk par le Gouvernement régional kurde d’Irak (été 2014), l’opinion publique internationale n’ayant d’yeux que pour le nettoyage ethnique pratiqué par Daesh. À l’époque, non seulement les grandes puissances n’avaient pas condamné la guerre de conquête du Gouvernement régional kurde d’Irak, mais avaient proposé de lui fournir directement des armes, sans passer par le Gouvernement central de Bagdad, prétendument pour lutter contre Daesh.

Les parties au conflit n’annonceront pas faire la guerre pour créer un État colonial israélien et prendre les États arabes résistants en tenaille, mais dès que cela sera nécessaire déclareront lutter pour un Kurdistan indépendant ; une position grotesque puisque le territoire concerné n’a jamais appartenu au Kurdistan historique et que les Kurdes y sont largement minoritaires (moins de 30 % de la population).

Le 5 novembre, la France annonçait l’envoi du porte-avions Charles-De-Gaulle sur zone, prétendument pour lutter contre Daesh, en réalité pour se positionner en vue de la 3ème guerre de Syrie [11]. Le bâtiment a quitté Toulon, son port d’attache, le 18 novembre.

Du 13 au 15 novembre, le Gouvernement régional du Kurdistan d’Irak, appuyé par les « Forces démocratiques de Syrie » ont repoussé Daesh du Mont Sinjar (Irak). En réalité, les soldats de Daesh s’étaient retirés ne laissant que 300 hommes face à une coalition de plusieurs dizaines de milliers de soldats. La zone libérée n’a pas été restituée au Gouvernement irakien, mais annexée par le Gouvernement régional kurde d’Irak.

Bien qu’elle fasse mine de ne pas soutenir cette opération et de la condamner, la Turquie l’a approuvée lors du Traité secret Juppé-Davoutoglu de 2011. Si le pseudo-Kurdistan était créé, elle ne manquerait pas d’y repousser les militants du PKK.

La résolution 2249 autorise de facto la nouvelle guerre

Le 20 novembre, la Russie tentait de faire passer une nouvelle fois la proposition de résolution qu’elle avait rédigée pour la séance du 30 septembre et qu’elle avait été contrainte de retirer [12]. Tout au plus modifiait-elle son texte en incluant des références aux attentats de Souse, du Sinaï, d’Ankara, de Beyrouth et de Paris, ainsi qu’en mentionnant l’article 51 de la Charte (droit à la légitime défense). Une seconde fois, elle devait renoncer à son texte et laisser passer une proposition française légalisant toute intervention militaire contre Daesh en Syrie et en Irak, ce que le Conseil approuvait à l’unanimité (résolution 2249) [13]. Bien qu’elle puisse être interprétée de plusieurs manières, la résolution piétine de facto la souveraineté nationale de l’Irak et de la Syrie. Elle autorise les grandes puissances à s’y ingérer pourvu qu’elles prétendent lutter contre Daesh [14]. Il s’agit évidemment de libérer le Nord de la Syrie de Daesh, non pas pour le restituer à la Syrie, mais pour y proclamer un État indépendant sous autorité kurde.

La Russie ne s’est pas opposée à cette résolution et l’a votée. Il semble qu’elle souhaite pour le moment profiter du plan franco-israélien pour repousser Daesh hors de Syrie sans pour autant accepter le principe d’un pseudo-Kurdistan. La création d’un tel État n’a aucune légitimité en droit international (les Kurdes de Syrie ne sont pas opprimés, mais jouissent des mêmes droits que les autres citoyens). Elle rouvre la question des droits des minorités déjà posée par la création du Kosovo par l’Otan. Elle autorise de facto tout groupe ethnique, quelle que soit sa situation politique, à revendiquer un État indépendant, ce qui implique par voie de conséquence la possible dissolution de la plupart des États au monde —y compris la France— et le triomphe de la « globalisation ».

À retenir :
- Le Kremlin et la Maison-Blanche se sont entendus pour couper les financements de Daesh. Ils ont bombardé en Irak et en Syrie les camions-citernes de la société de Bilal Erdoğan et isolé les banques de Daesh.
- Après l’annexion des champs pétroliers de Kirkouk en juin 2014, Israël et la France sont parvenus à poursuivre l’extension du territoire du Gouvernement régional kurde d’Irak (annexion des Monts Sinjar) et à lancer la conquête du territoire non-Kurde du Nord de la Syrie par le YPG désormais dénommé « Forces démocratiques de Syrie ». Ils entendent à terme faire fusionner les deux entités et proclamer l’indépendance d’un État prétendument kurde.
- La création d’un pseudo-Kurdistan dans des territoires non-Kurdes n’a aucune légalité en droit international. Elle vise uniquement, avec celle du Sud Soudan, à prendre en tenaille les principaux États arabes (Égypte, Syrie et Irak) pour réaliser le rêve d’une puissance israélienne du Nil à l’Euphrate.

Thierry Meyssan

[1] “President Putin Responses to journalists’ questions following the G20 summit”, Kremlin, November 16, 2015.

[2] « Le rôle de la famille Erdoğan au sein de Daesh », Réseau Voltaire, 26 juillet 2015.

[3] « L’armée américaine a détruit 116 camions-citernes de l’EI », Robert Burns, Associated Press, 16 novembre 2015.

[4] « Syrie : Poutine ordonne d’établir un contact direct avec la France et de la traiter comme un allié », Russia Today, 17 novembre 2015.

[5] “Why Is Money Still Flowing to ISIS ?”, The Editorial Board, The New York Times Sunday Review, October 10, 2015.

[6] « Comment Israël veut relancer la guerre au Levant », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 11 mai 2015.

[7] “Imagining a Remapped Middle East”, Robin Wright, The New York Times Sunday Review, September 29, 2013.

[8] « Le Kurdistan et le Califat », « Le "Kurdistan", version israélienne », par Thierry Meyssan, Al-Watan (Syrie), Réseau Voltaire, 7 et 13 juillet 2014.

[9] « Les Kurdes d’Irak s’opposent à la reconduction de leur président », Réseau Voltaire, 20 août 2015.

[10] « Les États-Unis et Israël débutent la colonisation du Nord de la Syrie », Réseau Voltaire, 1er novembre 2015.

[11] « Le porte-avions « Charles-De-Gaulle » déployé contre le groupe État islamique », Le Monde avec AFP, 5 novembre 2015.

[12] “Russian draft resolution on Counterterrorism”, Voltaire Network, 1 October 2015.

[13] “Resolution 2249 on combating ISIS”, Voltaire Network, 20 November 2015.

[14] « Le Conseil de sécurité adopte une résolution appelant à la lutte contre Daech », Centre de Nouvelles de l’Onu, 20 novembre 2015.

L’Opération conjointe États-Unis–Turquie est organisée pour sauver Daech, et non pour le détruire.

Les objectifs conjoints des USA/Turquie, expliquant cela :

L'autre objectif pour la Russie est celui de faire rentrer l'OTAN dans le jeu, ennemi de la Russie !

Ce qui n'a pas tardé du reste :

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L’Opération conjointe États-Unis–Turquie est organisée pour sauver Daech, et non pour le détruire.

Par Brandon Turbeville – Le 18 novembre 2015 – Source globalresearch.ca

Alors que la Russie est en train d’annihiler la vermine terroriste depuis le ciel le long et à travers la Syrie, et que l’Armée arabe syrienne (AAS) nettoie les restes, village après village, il semblerait que les Occidentaux soient passés de la panique totale à une tentative de réciter un Ave Maria pour sauver leurs caniches djihadistes tout en poursuivant leur dessein de renverser le gouvernement laïque de Bachar al-Assad.

 

Cet Ave Maria arrive sous forme d’une tentative de mettre en place la zone de sécurité. Il avait été discuté et convenu dans le passé, par la Turquie et les États-Unis, de faire semblant de combattre Daech pour protéger les rebelles modérés anti-Assad et les civils. Dans les faits la zone de sécurité n’est qu’un couloir de trafic vers la Syrie qui sert à Daech et à d’autres organisations similaires soutenues par l’Otan, financées par le Conseil de coopération des pays du Golfe, et aiguillonnées par la Turquie.

C’est pour cette raison que les États-Unis et la Turquie ont annoncé leur accord pour «verrouiller la frontière de la Turquie avec la Syrie, devenue un élément d’une opération militaire conjointe». Dans une entrevue avec CNN, le secrétaire d’État, membre de l’organisation estudiantine Skull and Bones [Crâne et tibias, NdT] John Kerry a déclaré «75% de toute la frontière nord de la Syrie est maintenant verrouillé, et nous engageons une opération conjointe avec les Turcs pour couper les 98 kilomètres restants

Kerry n’a pas précisé la forme ni la date de l’opération. Il a également négligé de mentionner si des troupes étasuniennes allaient participer à cette opération.

Des officiels turcs ont évoqué l’imminence d’une certaine forme d’opération militaire, lorsque le ministre des Affaires étrangères, Feridun Sinirlioğlu, avait déclaré qu’une «nouvelle opération militaire contre Daech» pourrait avoir lieu «dans quelques jours». Le ministre adjoint Numan Kurtulmuş a néanmoins affirmé qu’aucune opération au sol n’était prévue.

Certes, la dimension du territoire visé par la Turquie et les États-Unis dans cette opération militaire conjointe est immensément importante.

Les Kurdes ont saisi et maintiennent le contrôle d’un secteur qui enjambe la frontière entre la Turquie et la Syrie depuis l’extrémité occidentale jusqu’à l’extrémité orientale à l’exception d’une petite poche au milieu – de Jarablus à l’est jusqu’à Dabiq à l’ouest.

D’autres ont décrit la dimension de cette zone légèrement différemment, de Jarablus à l’est à Afrin à l’ouest. Quoi qu’il en soit, ce couloir, également connu comme la zone de sécurité, a la même taille que les routes d’approvisionnement de Daech entre la Turquie et la Syrie, et si les militaires syriens ou les Kurdes pouvaient reprendre cette partie de la frontière, Daech serait entièrement coupé du nord. Avec l’augmentation de la pression sur ce dernier depuis le sud et le sud-ouest par les forces d’al-Assad, par les attaques sur la frontière entre la Syrie et le Liban de l’Armée arabe syrienne et du Hezbollah, et plus encore par la campagne de bombardement russe qui a permis aux militaires syriens de reprendre plus facilement le plein contrôle d’Alep et d’autres régions au nord de la Syrie, celui-ci se trouverait pratiquement privé de toute assistance extérieure.

Il est ainsi important de noter que les militaires syriens avaient presque atteint le fleuve Euphrate quand les attaques terroristes ont eu lieu à Paris.

C’est parce que les Kurdes constituent une menace pour Daech que la Turquie a entrepris une si grande campagne de bombardement contre eux, tout en simulant une campagne contre Daech, qui était, pour le moins, peu vraisemblable. Rappelez-vous, que les frappes étasuniennes contre Daech ont en grande partie visé les infrastructures syriennes et les populations civiles. Dans les secteurs où ISIS a été frappé, ce n’était rien d’autre que des camps d’entraînement pour les escouades de la mort.

La zone libre de Daech devrait être renommée en zone protégée des tirs puisqu’elle n’est rien d’autre qu’une aire de protection mise en place pour protéger les terroristes, où l’aviation des États-Unis et de la Turquie agissent de nouveau comme s’il s’agissait de l’aviation de Daech. Cette zone, protégée par les forces de l’Otan, sera maintenant employée comme tête de pont pour des opérations terroristes plus loin à l’intérieur du pays alors que la Turquie bombardera unilatéralement les Kurdes depuis ses positions actuelles.

Au début du mois, les Kurdes ont lancé un assaut contre ce couloir, menaçant de fermer la dernière voie d’approvisionnement de Daech depuis le nord. En effet, non seulement ce serait une des dernières, mais la principale route d’approvisionnement de l’organisation terroriste soutenue par les Occidentaux.

Le 7 novembre, Webster Tarpley et le Tax Wall Street Party (TWSP) ont écrit dans leur compte-rendu journalier que la «Résistance à cette politique nécessaire urgente viendra inévitablement d’Erdoğan de Turquie.» Tarpley et le TWSP ont cité un rapport d’Aaron Stein de War on the Rocks, [la Guerre échouée, NdT], qui énonçait :

«La Turquie a fait savoir très clairement qu’elle ne tolérera pas la présence des YPG kurdes [Unités de défense populaire, NdT] à l’ouest de l’Euphrate, et donc n’acceptera pas une offensive dirigée par les Kurdes contre la ville de Jarablus tenue par Daech, ni une unification avec l’enclave kurde d’Afrin en Syrie du Nord-Ouest.» Les jours précédant les élections, les militaires turcs ont tiré sur les unités des YPG qui essayaient de forcer le passage sur l’autre rive de l’Euphrate dans une tentative de renforcer leur ligne de front avec Daech.

La Turquie a longtemps craint la création d’un Kurdistan au nord de la Syrie, en particulier parce que la création d’une telle entité non seulement enflammerait les tensions entre les Kurdes et le gouvernement turc mais découperait en substance une bonne partie du territoire turc. En établissant un Kurdistan où que ce soit dans la région et particulièrement à la frontière turque ou en Turquie elle-même, les rêves insensés d’Erdoğan, de devenir le nouveau Sultan ottoman, s’évanouiraient.

C’est pour cette raison que les Turcs n’accepteront jamais le verrouillage de la frontière de la Turquie avec la Syrie par les Kurdes. Considérant les échos de la presse favorable au gouvernement turc et la propagande régurgitée par les faire-valoir d’Erdoğan dans le parti au pouvoir, ce sont les Kurdes qui sont le grand ennemi de la civilisation turque (entendant par là les illusions de grandeur du sultan Erdoğan) et non pas Daech.

Avec une prise de conscience croissante de l’importance du couloir de Jarablus par les chercheurs, les observateurs et les partis nationaux intéressés, l’accord pour une opération militaire conjointe Turquie/États-Unis devient l’acte de dernier recours pour consolider la présence de Daech/Otan en Syrie. En engageant des troupes et du matériel militaire dans la zone de sécurité du couloir de Jarablus, l’Otan pourra s’assurer que les approvisionnements et les soldats de Daech pourront entrer en Syrie sans encombre. En introduisant des intérêts de l’Otan dans ce couloir et en déclarant la zone comme zone de sécurité ils espèrent que les Russes se l’interdiront.

À partir de ce moment-là, une question fondamentale se posera : combien de temps les Russes et l’AAS pourront-ils retenir leurs propres attaques contre le couloir de Jarablus avant de réaliser que leur incapacité à le faire prolongera tout simplement la guerre et n’est finalement qu’une stratégie perdante ? Une fois que cette constatation sera faite, suivra une autre question : est-ce que les Russes et l’AAS attaqueront cette zone en dépit de la présence de l’Otan ?

La réponse à cette question est d’une importance fondamentale pour nous tous.

Brandon Turbeville vit à Florence en Caroline du Sud. Il a une licence de l’Université Francis Marion. Il est l’auteur de six livres, Codex alimentarius : The End of Health Freedom ; Seven Real Conspiracies ; Five Sense Solutions et Dispatches From a Dissident, vol. 1  et  vol. 2 ; The Road to Damascus : The Anglo American Assault on Syria ; et The Difference it Makes : 36 Reasons Why Hillary Clinton Should Never Be President.
Turbeville a écrit plus de 500 articles sur une grande variété de sujets comprenant la santé, l’économie, la corruption gouvernementale, et les libertés civiques.

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Article original  publié par Activist Post © Brandon Turbeville, Activist Post, 2015

Traduit par A.M relu par M.J.M pour le Saker Francophone

Note du Saker Francophone

Dans cet embrouillamini il faut comprendre 

1. Que pour des raisons géopolitiques, héritées de l’époque Brzezinski théorisant la domination US éternelle sur le genre humain, il est vital d’anéantir toute velléité de puissance de la Russie.

2. La clé, dans cette théorie, est la maîtrise du Moyen-Orient ouvrant la voie vers le Caucase et l’Asie centrale.

3. Le seul obstacle à la réalisation de cet objectif est l’arc chiite Liban-Syrie-Irak-Iran, qui doit donc être détruit pour pouvoir ensuite attaquer le ventre mou russe dans le Caucase. Le contrôle de cette région aura également comme effet collatéral immédiat la possibilité de faire transiter le gaz naturel des pays du Golfe vers l’Europe, se substituant ainsi au gaz d’origine russe et affaiblissant d’autant l’économie de la Russie.

4. Pour mener à bien ce plan, la Syrie, alliée des Russes, doit être dirigée par une marionnette US suite à un changement de régime.

5. Les rebelles syriens modérés opposés à Assad et soutenus par les US sont devenus une fiction militaire dans la mesure où ils sont passés du côté de Daech avec armes et bagages. La zone de sécurité entre la Turquie et la Syrie est censée protéger cette armée de rebelles modérés syriens fictifs qui ne sont rien d’autre que Daech, al-Quaida et une nuée de groupes islamistes vassaux soumis à la pression intense de l’Armée arabe syrienne et de ses alliés, avec l’aide russe.

6. Le plan des US essaie d’établir, dans la guerre de communication pour justifier leur présence – n’ayant pas été invités par le gouvernement syrien légitime – une symétrie artificielle entre d’une part Assad soutenu par la Russie et les anti-Assad (rebelles modérés) soutenus par les US dans leur combat contre Daech.
Le sophisme est que la lutte entre les rebelles modérés et Daech est une fiction, les rebelles modérés n’ont aucune réalité militaire sur le terrain, la présence militaire ce sont les terroristes islamistes. Ainsi les US soutiennent-ils Daech pour combattre Assad, prétendant soutenir des rebelles modérés fictifs combattant Daech. In fine, l’argument US signifie que Daech se combat lui même. Peu importe, la fin justifiant les moyens, «Assad doit partir».

 

 

23/11/2015

Lavrov: l'Occident peut se coincer quelque chose dans un nouveau rideau de fer

Excellent !

Déjà que les dirigeants occidentaux n'en ont pas, les castrés de la cervelle au service des Banksters !

Lavrov: l'Occident peut se coincer quelque chose dans un nouveau rideau de fer

Sergueï Lavrov

Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, a posté sur son compte Facebook une des phrases de l'interview de Sergueï Lavrov qui sera diffusée prochainement.

Les pays de l'Occident "peuvent se coincer quelque chose" s'ils essayent de baisser un nouveau rideau de fer sur la Russie, a plaisanté le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov dans une interview à la "Radio de la Russie".

"Je vous offre une phrase (…) tout de suite", a écrit sur le réseau social le porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères.

"Une question: que pensez-vous de la déclaration selon laquelle des pays occidentaux font baisser un nouveau rideau de fer sur la Russie?

Lavrov: Quand ils vont faire baisser le rideau de fer, ils pourront se coincer quelque chose", a déclaré Sergueï Lavrov cité par Maria Zakharova.