(New Jersey) Il ne reste plus qu'à attendre le passage de Sandy sur la côte est américaine, où des centaines de milliers d'Américains vivant en zones inondables ont été forcés d'abandonner leur domicile. Le passage de l'ouragan a déclenché l'état d'urgence dans une dizaine d'états américains, du Connecticut à la Caroline du Sud, en prévision de la tempête qui devrait frapper dans la nuit de lundi à mardi.
>> Voyez nos photos: La côte est américaine se prépare pour Sandy
Au New Jersey, où l'oeil de l'ouragan semble se diriger, toutes les îles comprises entre Sandy Beach et Cape May, soit une zone de près de 200 kilomètres, ont fait l'objet d'évacuations obligatoires. À partir de 16h00 dimanche, les autorités policières ont prévenu qu'elles ne pourraient plus promettre de porter secours aux habitants qui décidaient de rester.
L'île de Long Beach avait des allures de ville fantôme, dimanche soir, alors que l'eau commençait à inonder les rues des hameaux plantés le long d'une bande de sable de plusieurs kilomètres. Le long des rues désertes, des maisons cossues se succèdaient, fenêtres et portes placardées.
Au bout de l'une d'elles, Rick Simpson fixait son bateau à l'arrière de son camion alors que la pluie frappait son visage de plein fouet. «Le niveau de l'eau n'a jamais été aussi élevé à marée basse. Habituellement, j'ai besoin de grimper une échelle de cinq pieds pour sortir de mon bateau, alors qu'aujourd'hui, il flottait pile à la hauteur du quai», a-t-il illustré.
M. Simpson, un coach de natation qui entraîne des athlètes de calibre olympique ne se laisse généralement pas intimider par l'eau. Mais la force de la tempête l'a convaincu de respecter l'avis d'évacuation. «En 1972, l'eau de l'océan et de la baie ont convergé et ont engouffré la partie de l'île où nous nous trouvons présentement, emportant plusieurs maisons. Sandy s'annonce encore plus violente. À un moment donné, il faut accepter que la nature est plus forte que nous!»
Quelques maisons plus loin, Stanley et Ann, un couple dans la soixantaine, a choisi de faire fi de l'état d'urgence. «On vit ici, les tempêtes, c'est notre destin», a laissé tomber l'homme au milieu de son sous-sol jonché de pompes et meubles pêle-mêle en équilibre sur des caisses de lait. «On en a vu tellement d'autres! Nous avons tout le nécessaire pour survivre plus d'une semaine coupés du reste du monde.»
Les prochaines heures laissent présager le pire alors que la tempête s'intensifiera. Les météorologues prévoient que les ponts qui donnent accès aux îles risquent d'être submergés cette nuit, les coupant du reste du monde.
Des écoles ont été ouvertes pour accueillir les sinistrés des îles, mais aussi de la côte, qui menace d'être frappée par des pannes d'électricité et des inondations historiques en raison de la pleine lune lundi soir. Les zones évacuées comprennent aussi Atlantic City qui a été forcée de fermer tous ses casinos ainsi que des quartiers inondables sur a côte. Des villes du Delaware, état qui devrait aussi être fortement affecté, ont connu le même sort.
À la tombée de la nuit, environ 160 personnes avaient trouvé refuge à l'école secondaire de Manahawkin au New Jersey. Environ 500 lits de camps de la Croix-Rouge étaient bien cordés dans un gymnase prêt à accueillir les sinistrés.
Ce sont les pompiers qui ont demandé à Sandra Baker et ses enfants Billy, 9 ans, et Hannah, 12 ans, de quitter leur maison, située sur la côte, en zone inondable. «J'ai décidé de partir parce qu'en 38 ans de vie à Jersey, je n'ai jamais vu l'eau monter aussi rapidement.»
L'île de Seaside, située un peu plus au nord, s'est aussi vidée rapidement. L'endroit, qui attire généralement des foules pour ses parcs d'attractions, ses mignonnes maisonnettes à l'ombre des dunes de sable et ses vedettes de la célèbre émission de téléréalité Jersey Shore, était presque désert. Seuls quelques curieux ont risqué de s'aventurer sur la plage, en matinée, alors que des vagues de plus en plus hautes se fracassaient sur les quais perchés sur des pilotis d'au moins 20 mètres de haut.
«Je suis stupéfait», s'est exclamé Darin Petro, 45 ans, en fixant la scène. «Je me baigne sur cette plage depuis l'âge de 5 ans et je n'ai jamais vu de vagues aussi hautes! C'est extraordinaire de voir ça, mais ça fait vraiment craindre les dommages.»
Ed Verna, un homme trapu de 76 ans, a vécu à Seaside toute sa vie. Le retraité, qui a notamment travaillé comme sauveteur sur la plage de 1953 à 1963, a été témoin de cinq ouragans et tempêtes depuis son enfance, mais c'est la première fois qu'il se résigne à quitter sa maison.
«J'en ai vu d'autres, mais les médias disent que ce sera la tempête du siècle, donc ma femme panique, elle veut partir», a-t-il laissé tomber, pelle à la main, alors qu'il remplissait lui-même ses sacs de sable. «Les ouragans que j'ai vécus ont été assez violents. Les routes se transforment en rivières et ça fait un vacarme comparable à un train de marchandises qui passe au-dessus de nos têtes. Le vent est si fort que des clôtures de métal et des toitures s'envolent. J'ai vu des maisons de trois étages s'affaisser», a-t-il décrit.
Une vingtaine de mètres plus loin, Jim s'affairait à placarder les maisons d'un cottage. Sa famille respectera l'avis d'évacuation, a-t-il affirmé, même s'il est difficile d'abandonner sa maison. «On sait qu'il y aura des gens qui vont rester, mais les ponts qui nous relient à la terre ferme risquent d'être submergés, alors rendu là, ce sera chacun pour soi et Dieu sait ce qu'il peut vraiment arriver.»
lapresse.ca vous suggère