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16/07/2010

Sarkozy : Comment il en est arrivé là ?

A la Une du NouvelOBS : http://hebdo.nouvelobs.com

N°2384 - 14/07/2010

Comment il en est arrivé là

Au lendemain de son élection, il prétendait incarner la rupture et faire entrer la France dans une ère nouvelle. Aujourd'hui, l'hyperprésident paraît avoir perdu la main au point que même certains de ses amis s'en inquiètent. Retour sur les sept péchés capitaux de ses premières années de mandat

  • Comment il en est arrivé là
  • Une impopularité historique
  • La revanche de Plenel

Comment il en est arrivé là


Comment il en est arrivé là

Au lendemain de son élection, il prétendait incarner la rupture et faire entrer la France dans une ère nouvelle. Aujourd'hui, l'hyperprésident paraît avoir perdu la main au point que même certains de ses amis s'en inquiètent. Retour sur les sept péchés capitaux de ses premières années de mandat

Depuis plusieurs jours, on le pressait d'intervenir. Il faut que tu parles, lui disaient Copé et Raffarin. L'indignation provoquée par les cigares de Christian Blanc ou l'extension sans permis de la maison d'Alain Joyandet, le malaise créé par le mélange des fonctions - ministre et trésorier de l'UMP - d'Eric Woerth, dont la femme était gestionnaire d'une partie de la fortune de Liliane Bettencourt, c'en était trop ! Comment ne pas voir que le fossé entre le pays et le président se creusait dangereusement ? Comment ne pas comprendre que l'exaspération des Français, durement frappés par la crise, était d'autant plus grande que les élus - les élites - paraissent déconnectés de la réalité.

Et pourtant Nicolas Sarkozy continuait de se taire. Comme s'il attendait la fin de la Coupe du Monde de Football. Ou la publication du rapport sans surprise de l'Inspection générale des Finances, favorable à Woerth. Il a fallu qu'il soit personnellement mis en cause dans l'affaire Woerth-Bettencourt par l'excomptable de la milliardaire - même si celle-ci a quelque peu édulcoré ses déclarations devant les policiers quarante-huit heures plus tard - pour que le président se décide enfin à s'adresser aux Français.

Las ! Il lui aurait fallu beaucoup de talent, ce lundi 12 juillet sur France 2, pour remonter le courant. Les dégâts sont considérables : 1) un fossé abyssal entre le peuple et le pouvoir ; 2) un rejet massif de sa personne dont témoigne sa cote de popularité en chute libre. 26% seulement souhaitent lui voir jouer un rôle dans l'avenir, d'après la dernière enquête TNS Sofres, un record sous la Ve République. Quant au sondage réalisé deux jours avant l'intervention présidentielle par l'institut LH2 pour Nouvelobs.com, 63% des Français y disent avoir une opinion négative de lui en tant que président de la République et seuls 7% ont une opinion très positive ; 3) une majorité parlementaire en état de rébellion, si l'on en juge par le dernier exploit de Jean-François Copé. La semaine dernière, le président du groupe UMP et ses troupes, alignés sur la position du Medef, ont voté contre un amendement du gouvernement négocié avec la CFDT instituant le dialogue social dans les toutes petites entreprises.

Au-delà du coup de pied de l'âne à Eric Woerth, qui le défendait - à la veille de la réforme des retraites ! -, c'est plus qu'un bras d'honneur à Sarkozy : « Un acte d'une extrême gravité », selon un dirigeant de la majorité. Les députés n'en sont pas encore à refuser de voter le budget ou la loi de financement de la Sécurité sociale, mais ils n'en font plus qu'à leur tête. Comme s'ils avaient déjà intégré la déliquescence du pouvoir, comme s'ils avaient déjà fait une croix sur la réélection du président sortant en 2012. De ce point de vue, la défaite, dimanche dernier, de Jean-Frédéric Poisson, candidat UMP à la législative partielle des Yvelines dans l'ancienne circonscription de Christine Boutin, n'est pas de nature à apaiser leurs doutes.

Comment Nicolas Sarkozy, élu avec 53% des voix en mai 2007, a-t-il pu en arriver là trois ans tout juste après son élection ? Comment l'hyperprésident, maître absolu de sa majorité qui se vantait de débaucher à gauche, peut-il sembler aujourd'hui aussi démuni et impuissant ? Revue de détail.

1 Comment il n'est jamais entré dans l'habit présidentiel
Trois ans après son accession triomphale à l'Elysée, Nicolas Sarkozy n'incarne toujours pas la fonction présidentielle telle que l'imaginent les Français. Au moindre dérapage sur le terrain des convenances ou de la morale, qu'il soit de son fait ou de celui d'un membre du gouvernement, le président de la République est immanquablement ramené à son péché originel : la réception au Fouquet's le soir de son élection et l'escapade avec Cécilia sur le yacht de Bolloré au large de l'île de Malte.

En politique comme ailleurs, c'est la première impression qui compte. Sarkozy a eu beau gérer avec opiniâtreté la présidence de l'Union européenne, être plus prompt qu'Angela Merkel à anticiper les conséquences de la crise financière, rien n'y fait. Aux yeux des Français, un président tout juste élu ne doit pas embarquer sur le bateau d'un milliardaire. A elle seule, cette faute en dit long sur sa conception du pouvoir et sur l'absence de distance avec les décideurs économiques. Sarkozy eût mieux fait de s'en tenir à l'idée qu'il avait envisagée un court moment : une retraite au vert dans un monastère !

Loin, bien loin de l'image traditionnelle d'un président arbitre et rassurant, Sarkozy a au contraire inquiété les Français par sa fébrilité, son comportement agressif (le fameux «Casse-toi pauv'con» au Salon de l'Agriculture), son sans-gêne, son mépris des usages et, tout simplement, son absence de savoir-vivre. Même les plus laïcards ont été choqués par son attitude au Vatican, lorsque, reçu par le pape Benoît XVI, il continuait d'envoyer des textos. Même lorsqu'il se veut aimable, sa familiarité, sa manière de toujours toucher son interlocuteur, son côté tactile, heurtent.

Après l'hiver horribilis 2007-2008 et sa période « bling-bling », Sarkozy, qui avait déjà renoncé aux lunettes noires avant son élection, avait enlevé sa Rolex. Mais il n'a pas convaincu pour autant qu'il était entré pour de bon dans l'habit présidentiel. Au mois d'avril, sonné par le résultat calamiteux des élections régionales, il a modifié son attitude en public. Trop tard ! Pendant près de trois ans, il a donné l'image de l'homme pressé. Il s'est trop souvent adonné à sa pratique favorite du « voyage éclair », que ce soit en France ou à l'étranger. Au risque de provoquer des incidents diplomatiques et/ou de froisser les chefs d'Etat ou de gouvernement, comme ce fut le cas en Inde où il se rendit pour quarante-huit heures montre en main, à la fureur des autorités de ce grand pays émergent qui l'attendaient pour une visite d'Etat d'au moins trois jours.

C'est que Sarkozy est d'abord un président qui répugne à se forcer. Il déteste les réceptions officielles, pince-fesses et autres cocktails dont il s'échappe aussitôt que possible. Il a les diplomates en horreur. Il se méfie des militaires, notamment des gendarmes, dont il a réduit le nombre à l'Elysée au profit de la police.

C'est dire que la suppression de la traditionnelle garden-party du 14-Juillet à l'Elysée ne lui a pas beaucoup coûté. Elle l'ennuyait et il prenait la poudre d'escampette dès que possible, là où Chirac prenait tout son temps. Audelà du symbole et du message envoyé aux Français sur les économies effectuées au plus haut niveau de l'Etat, Sarkozy s'est aussi débarrassé d'une corvée.

2 Comment il a brouillé la notion même de réforme
La « rupture » ! Le quinquennat de Nicolas Sarkozy devait être marqué par des réformes permettant de faire entrer le vieux pays qu'est la France dans la modernité. Aujourd'hui, même à droite, ils sont nombreux à juger que le compte n'y est pas. Dire que rien n'a été fait serait excessif : même si certains spécialistes ont souligné ses limites lors de son adoption, l'autonomie des universités est ainsi en passe d'entrer dans les moeurs. La gauche ne la remettra pas en cause. Egalement bienvenue : la possibilité pour les citoyens de saisir le Conseil constitutionnel sur la conformité des lois.

Mais, globalement, personne sauf le président lui-même, ne croit qu'une véritable « rupture » soit engagée depuis 2007. A cela deux raisons : Sarkozy s'est révélé être le spécialiste des vraies-fausses réformes. Deux exemples. La réforme des régimes spéciaux de retraite, d'abord. Elle était censée aligner le régime des salariés des transports sur celui des autres salariés. A la sortie, au-delà de l'affichage, ces régimes sont encore plus... spéciaux - et onéreux ! «Nicolas a eu peur que son quinquennat soit plombé dès le départ», confiait Fillon après l'épisode. Idem pour le service minimum, toujours dans les transports. Sarkozy en avait promis un «vrai» : en fait, il s'est contenté de compléter le dispositif de prévention des conflits mis en place par le gouvernement Raffarin.

Sarkozy est aussi un piètre réformateur parce qu'il vit dans l'illusion qu'il lui suffit de parler pour que la France change. Depuis 2007, il accumulé les annonces, mais s'est montré beaucoup moins attentif au niveau du service après-vente. Il a aussi dévalorisé la notion de réforme en faisant passer trop de lois d'actualité, inspirées par des faits divers sanglants. «Grand diseux, petit faiseux» : c'est parce que son entourage est conscient qu'il est tombé dans ce travers que le chef de l'Etat a raréfié ses apparitions médiatiques depuis les élections régionales, en se concentrant sur une grande réforme : celle des retraites.

Son ami Alain Minc veut croire qu'en faisant, de façon brouillonne, quantité de mini-réformes, Sarkozy a quand même rempli son contrat. «La France n'a pas besoin de Grand Soir», assure l'essayiste. Selon lui, il faudra juger le réformisme présidentiel à l'aune du rebond de la France après la crise. Au regard des - mauvais - chiffres de la croissance au premier trimestre 2010, l'élève Sarkozy n'est pas bien parti.

3 Comment il s'est enlisé dans la crise
C'est un cadre supérieur d'une entreprise agroalimentaire qui l'affirme : «Je ne comprends pas ! Nous, nous avons pris des mesures, dès le début de la crise, pour réduire nos dépenses. Ce fut douloureux. Pourquoi Sarkozy prend-il maintenant seulement le tournant de la rigueur ?» En 2007, cet homme a voté pour Nicolas Sarkozy. Aujourd'hui, il s'interroge.

Peu après l'arrivée du chef de l'Etat à l'Elysée, son Premier ministre ose parler de la «faillite » de la France. On le prie de remballer ce vilain mot. Jacques Chirac s'était certes endormi sur les déficits. Mais en sept mois, le nouveau président n'a pas arrangé les choses en arrosant les plus aisés, avec son « paquet fiscal » de 14 milliards d'euros : défiscalisation des heures supplémentaires, allègement des droits de succession... Pendant sa campagne, il tablait sur une croissance comprise entre 2% et 2,5%. Las. Au deuxième trimestre 2007, elle n'affiche qu'un petit 0,3% ... Bref, Nicolas Sarkozy a tout faux. Il sait que le principal moteur de l'augmentation de l'activité économique, c'est la consommation, avant l'investissement et les exportations. Il a simplement feint d'oublier ce qu'apprennent les étudiants en économie : quand on aide les plus riches, ils épargnent ou achètent des Aston Martin...

Quand arrive la crise, il joue la relance, à juste titre. Mais ne change en rien son dispositif fiscal. Mieux, il en rajoute avec la baisse de la TVA pour les restaurateurs, un cadeau qui coûte près de 3 milliards, mais ne crée qu'une poignée d'emplois. Résultat : cette année, la dette publique s'est envolée comme les déficits publics. La faute au manque de recettes, plaide le gouvernement. Faux, répond la Cour des Comptes. Selon elle, la crise explique aux trois quarts la dérive des finances publiques. Le reste ? « La conséquence d'une insuffisante maîtrise des dépenses et de mesures prises avant la crise. »

Aujourd'hui, ce sont les marchés et Bruxelles qui somment la France de prendre le tournant de la rigueur. Au plus mauvais moment. Selon la plupart des économistes, la croissance, déjà faible, va stagner. Coupés, les crédits destinés à la relance, contre l'avis de la majorité des chefs d'entreprise. Taxés, les classes moyennes et les plus démunis, au grand dam des organisations syndicales. Confortés, en revanche, les restaurateurs. Le budget de 2011 est fondé sur une croissance de 2,5%. « Une blague ! L'an prochain, elle sera de 1%, pas plus », estime Nicolas Bouzou, directeur d'Asterès. Résultat : la rigueur ne fait que commencer.

4 Comment il a cru pouvoir tout faire tout seul
C'est le dernier job qu'il s'est lui-même vanté d'exercer, devant les députés UMP réunis à l'Elysée, après la catastrophique campagne des Bleus au Mondial en Afrique du Sud : « secrétaire d'Etat aux Sports » ! Allusion au fait qu'il avait cru bon de recevoir Thierry Henry, à son retour après l'élimination de l'équipe de France, et qu'il a réclamé - et obtenu - la tête de Jean-Pierre Escalettes, le futur ex-président de la Fédération française de Football.<

Devenir président de la République : on croyait que c'était depuis toujours l'objectif de Nicolas Sarkozy. On s'est trompé. Ce boulimique de pouvoir ne s'est pas contenté d'épouser le costume de ses prédécesseurs. Il a d'abord élargi les pouvoirs de l'Elysée, sur le plan des nominations par exemple, notamment dans l'audiovisuel public. Il s'est ensuite comporté en super-cumulard : président-Premier ministre-ministre de tout, en fonction de l'actualité, et président de l'UMP, voilà le véritable titre de Sarkozy depuis 2007.

La Constitution de 1958 avait déjà fortement déshabillé Matignon. Pas assez pour Sarkozy qui a réduit son Premier ministre, François Fillon, au rang de ministre des Relations avec le Parlement. Tous ses prédécesseurs avaient gardé un lien avec leur formation d'origine, Mitterrand avec le PS, Chirac avec le RPR. Sarkozy a supprimé la fonction de président de l'UMP pour être plus sûr de l'exercer. Les petits déjeuners de la majorité, par exemple, ont été rapatriés à l'Elysée. Le président va jusqu'à récrire lui-même certains tracts que diffuse l'UMP sur l'actualité !

Les deux piliers de l'action de Sarkozy. 1) Etant le numéro un de l'exécutif, il a un droit d'intervention à tous les niveaux de la sphère publique, comme le montre par exemple les initiatives de son ex-conseiller justice, Patrick Ouart, dans le dossier Bettencourt. 2) Il fait tout mieux que tout le monde. Facilement irascible, il ne cesse de pester contre les erreurs de ses ministres ou de ses conseillers. Cet hyperprésident, dans l'abus de pouvoir permanent, est aussi un ego-président incapable de la moindre autocritique. Sa forte impopularité le laisse désemparé : ne comprenant pas pourquoi les Français n'ont pas conscience de leur la chance d'avoir à leur tête le meilleur gouvernant de la planète, il rend les médias responsables de ce décalage.

5 Comment il est devenu le petit frère des riches
Il n'aurait jamais dû y aller. Nicolas Sarkozy n'a pas fini de regretter cette soirée du Fouquet's où il a retrouvé ses amis people, chefs d'entreprise et milliardaires, pour fêter son élection. Pour quelques minutes de plaisir et de fierté, cinq ans de galère... Lui qui a toujours pris soin de parler comme les « vraies gens », d'éviter les discours technocratiques, a révélé, sitôt élu, son autre visage : plus à l'écoute des patrons influents de Neuilly que de la France d'en bas, qu'elle se lève tôt ou pas. Une image qui s'est encore durcie avec le vote du bouclier fiscal, qui plafonne les impôts à 50% du revenu et neutralise en partie les effets de l'impôt sur la fortune (ISF).

Pour les plus grandes fortunes, l'avantage a été immédiat et souvent spectaculaire. La saga Bettencourt l'a rappelé : début 2008, la troisième fortune de France a touché 30 millions d'euros du fisc. Promesse tenue pour les plus riches, quand les autres attendent toujours que l'emploi redémarre et que les heures supplémentaires arrondissent leurs fins de mois ! Et voilà que l'on va rogner sur les contrats aidés... Le contraste est terrible. Et donne un angle d'attaque facile et inépuisable à l'opposition. Au point que les parlementaires de la majorité eux-mêmes sont gênés. Rapporteur de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, Gilles Carrez affirme, après l'affaire Bettencourt : «On ne peut pas continuer avec ce système, d'un côté l'ISF, de l'autre le bouclier. Il faut en finir, supprimer l'ISF et compenser avec l'impôt sur le revenu tout en durcissant la fiscalité du patrimoine. » Il se bat d'ailleurs depuis la création du bouclier pour remettre un peu d'équité dans le dispositif, dans une alliance contre nature avec le président socialiste de la commission des Finances. Fin 2009, ils ont ainsi fait voter en pleine nuit un amendement interdisant de minorer de 40% des dividendes dans le calcul du revenu, ce qui permettait aux familles détentrices d'un portefeuille d'actions d'augmenter le chèque de ristourne du fisc. Un amendement qui n'a pas du tout plu à l'Elysée.

Convoqué sans délai, Gilles Carrez s'est pris un savon mémorable du président de la République. Pourquoi une telle colère alors qu'il s'agissait de rééquilibrer le traitement fiscal entre les revenus du travail et ceux du capital ? La veille, Nicolas Bazire, numéro deux du groupe LVMH et homme de confiance de Bernard Arnault (première fortune de France), l'un des visiteurs du soir réguliers de l'Elysée, était venu prévenir le président de la contrariété des grandes familles actionnaires...

6 Comment il a servi ses amis
Nicolas Sarkozy est trop souvent l'homme du bon plaisir. Il déteste qu'on vienne contrecarrer sa volonté. La séparation des pouvoirs lui interdisait de s'exprimer devant le Parlement ? Qu'à cela ne tienne ! Il a réformé la Constitution. Sarkozy ne s'embarrasse pas non plus de scrupules lorsqu'il décide de nommer son ami Henri Proglio, président de Veolia, à la tête d'EDF Il l'estime alors comme le seul possible à ce poste, et c'est à ses yeux la seule chose qui compte. Il passe donc outre à toutes les mises en garde, notamment à propos du très contestable cumul de fonctions et de salaires réclamé par le chef d'entreprise. Proglio ne veut pas abandonner Veolia ? Aucun problème. Il gardera les deux postes. Le chef de l'Etat fera droit à toutes ses exigences. Et il le paiera très cher.

Même cécité dans la tentative de nomination de son fils Jean à la tête de l'Epad. Avant d'opérer une marche arrière forcée sous la pression de l'opinion, des élus UMP déchaînés et - surtout - des sondages catastrophiques, il ne voyait pas non plus le problème. Pas plus qu'il n'en verra dans la nomination de Christine Ockrent à la tête de l'audiovisuel français à destination de l'étranger, France 24 et RFI, alors que son mari, Bernard Kouchner, était déjà au Quai-d'Orsay.

De ce point de vue, la nomination du fabiusien Didier Migaud à la Cour des Comptes comme successeur de Philippe Séguin, certes un beau geste, était sans doute aussi destinée à montrer qu'il ne promouvait pas que ses amis.

Dans un registre qui peut apparaître mineur, les passe-droits ou les privilèges que s'octroient généralement les hommes politiques - des gyrophares aux escortes imposantes en passant par le blocage de la circulation - sont-ils encore de mise à l'époque où les démocraties modernes de l'Europe du Nord sont citées en exemple pour y avoir mis fin ? Sarkozy, qui prônait une République exemplaire, serait bien inspiré de les suivre.

7 Comment il a désorganisé ses équipes
Difficile d'avoir une pratique politique plus traditionnelle que celle de Sarkozy. Nourri au lait du RPR, du conseil général des Hauts-deSeine et de Charles Pasqua, le jeune Sarkozy a vite compris que, pour réussir, seules valaient les recettes classiques : un parti, des militants, une assise locale solide, des réseaux, et beaucoup de clientélisme. Dans sa longue conquête du pouvoir, une seule chose valait à ses yeux : le professionnalisme et l'expérience du métier.

Arrivé à l'Elysée, le président Sarkozy a oublié tous ces préceptes. Lui qui n'avait pas de mots assez durs pour fustiger les amateurs ou les socioprofessionnels égarés en politique, n'a eu de cesse dès son élection de nommer au gouvernement des ministres issus de la société civile. Ouverture à gauche ou à la diversité oblige. Trois ans plus tard, ce sont ceux-là qui risquent de faire les frais d'un prochain remaniement. A en croire un ministre proche du président, Bernard Kouchner, Rama Yade et Fadela Amara seraient sur la sellette.

Mais décidément piètre directeur de casting, Sarkozy s'est parfois trompé plus lourdement. Notamment au ministère du Travail, pourtant un poste clé qui a vu défiler quatre ministres en trois ans ! Après Xavier Bertrand parti diriger l'UMP, Sarkozy a dû se résoudre à remplacer très vite son ami Brice Hortefeux puis son successeur Xavier Darcos par Eric Woerth. Ni Hortefeux ni Darcos n'avaient le profil : connaissance approximative des dossiers et... des syndicats. Même souci aujourd'hui, dans une moindre mesure, place Beauvau, où Hortefeux peine à s'imposer comme premier flic de France. Mais le ministère de l'Intérieur est aussi celui des élections... Et 2012 approche. La préparation de la campagne présidentielle, confie-t-on à l'Elysée, pourrait permettre au président de sauver son ami de quarante ans, plus à l'aise dans ce registre-là.

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