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21/05/2009

Israël-Iran Les risques et périls d'une attaque

Plus besoin, pour les membres du gouvernement israélien et de la Knesset qui auront à se prononcer sur une éventuelle attaque contre les installations nucléaires iraniennes, d'attendre un rapport préalable émanant de l'armée de l'air israélienne. Dès à présent, ils ont à leur disposition tous les scénarios possibles d'une attaque contre l'Iran, avec tous les risques que cela comporte et toutes les chances de réussite, grâce à l'étude menée par Abdullah Toukan et Anthony Cordesman,

du Centre d'études stratégiques et internationales de Washington.

La publication d'un texte aussi lucide, détaillé et exhaustif sur les options offensives d'Israël est une première. Ce rapport de 114 pages expose l'ensemble des informations disponibles sur les capacités militaires d'Israël et son programme nucléaire, ainsi que sur les développements nucléaires et les défenses aériennes de l'Iran, et sur l'inventaire des missiles dans chacun des deux pays.

Après avoir passé en revue tous les cas de figure d'une attaque contre l'Iran, Toukan et Cordesman concluent : "Une offensive israélienne contre les installations nucléaires iraniennes est possible, (mais) elle serait complexe et hautement risquée et rien ne garantit que la mission dans son ensemble se solde par un succès."

Le premier problème soulevé par les auteurs concerne les services secrets, ou plutôt leurs lacunes. D'après eux, "on ignore si l'Iran dispose d'installations secrètes d'enrichissement d'uranium". S'il existe des installations inconnues des agences de renseignement occidentales, le programme iranien d'enrichissement d'uranium pourrait bien s'y poursuivre en secret, alors même qu'Israël bombarderait les sites connus - l'opération serait donc nulle et non avenue. De manière générale, les auteurs du rapport estiment qu'une attaque contre l'Iran ne se justifie qu'à condition de mettre fin au programme nucléaire iranien ou de le stopper pour plusieurs années. Or c'est là un objectif difficile à atteindre.

Les services secrets sont également divisés sur la question cruciale de savoir quand l'Iran disposera de l'arme nucléaire. Les Israéliens affirment que la bombe sera prête entre 2009 et 2012 ; les Américains, eux, repoussent l'échéance à 2013. Si les prévisions des Israéliens sont justes, la fenêtre d'opportunité pour une intervention militaire ne tardera pas à se refermer. Quoi qu'il en soit, tout le monde est unanime sur le fait que nul n'osera attaquer l'Iran une fois qu'il sera en possession de l'arme nucléaire.

Etant donné que des dizaines d'installations nucléaires sont éparpillées sur l'ensemble du vaste territoire iranien, et qu'il n'est pas possible de les attaquer toutes d'un coup, Toukan et Cordesman envisagent l'option consistant à n'en frapper que trois, celles qui "forment le maillon central de la chaîne du combustible nucléaire nécessaire à l'Iran pour produire du matériel fissile à des fins militaires".

La destruction de ces trois sites-là suffirait à paralyser le programme nucléaire iranien pour plusieurs années. Il s'agit du centre de recherches nucléaires d'Ispahan, de l'usine d'enrichissement d'uranium de Natanz et de l'usine de production d'eau lourde d'Arak, destinée à la production d'uranium. Or il n'est pas sûr qu'Israël se lance dans une offensive aussi lourde de conséquences pour frapper seulement un petit nombre d'installations, sans aucune garantie d'interrompre ainsi la nucléarisation iranienne pour une durée significative.

L'étude analyse trois couloirs aériens possibles : le plus plausible passe par le nord ; il longe la frontière syro-turque et traverse le nord-est de l'Irak, avant de pénétrer en Iran. L'itinéraire central, qui survole la Jordanie, est plus court, mais il ne sera pas retenu, par crainte de problèmes politiques avec les Jordaniens. Le sud, via la Jordanie, l'Arabie saoudite et l'Irak, risque lui aussi de provoquer des conflits diplomatiques.

Afin que ses appareils puissent faire route vers l'Iran sans être détectés, l'armée de l'air israélienne aurait recours à une technologie de pointe destinée à brouiller les réseaux de communication et les radars des pays survolés par les F15 et les F16. Selon les auteurs du rapport, l'aviation israélienne a déjà fait usage de cette technologie au cours des raids contre le réacteur nucléaire syrien de Deir ez-Zor en septembre 2007. Un dispositif de piratage a été installé sur deux avions Gulfstream G550 récemment acquis par Tsahal (l'armée israélienne).

Une intervention visant ces trois installations nucléaires nécessiterait pas moins de 90 avions de combat, à savoir les vingt-cinq F15E que compte la flotte israélienne et soixante-cinq F16IC. Il faudrait également réquisitionner tous les avions ravitailleurs, soit cinq KC130H et quatre B707, afin de réapprovisionner en vol les avions de combat à l'aller comme au retour. L'aviation israélienne aura bien du mal à localiser un couloir où les avions ravitailleurs pourront évoluer sans être repérés par les Syriens ou par les Turcs.

L'une des principales difficultés tactiques tient au caractère souterrain du site de Natanz. Son usine d'enrichissement d'uranium, enfouie à une profondeur de 8 mètres, est protégée par un mur de béton de 2,5 mètres d'épaisseur, lui-même entouré par un autre mur de béton. En 2004, les Iraniens ont fortifié l'autre aile de l'installation, qui abrite des centrifugeuses : ils l'ont enterrée vingt-cinq mètres sous terre et recouverte d'une chape de béton armé de plusieurs mètres d'épaisseur.

Les Iraniens se servent de ces centrifugeuses pour produire l'uranium enrichi indispensable à la fabrication d'une bombe atomique. L'usine de Natanz compte déjà 6 000 centrifugeuses, et il est prévu d'en installer 50 000 au total, pour un rendement annuel de 500 kg d'uranium militaire. La fabrication d'une bombe requiert 15 à 20 kg d'uranium enrichi. Ainsi, Natanz sera en mesure de fournir suffisamment de matériel fissile pour produire 25 à 30 armes nucléaires par an.

Vu l'importance de la centrale de Natanz, les Iraniens ont pris bien soin de l'entourer d'une solide protection. Afin de contourner ce rideau défensif, l'armée de l'air israélienne recourrait à deux types de bombes intelligentes de fabrication américaine. La presse internationale a laissé filtré que 600 de ces bombes - surnommées "bunker busters" (briseurs de bunkers) - auraient été vendues à Israël. Le premier modèle, le GBU-27, pèse près de 900 kg et peut défoncer une couche de béton de 2,4 mètres. L'autre, le GBU-28, pèse 2 268 kg : ce mastodonte traverse 6 m de béton plus une couche de terre de 30 m de profondeur. Mais, pour que ces obus atteignent les installations iraniennes ultraprotégées, les pilotes israéliens devront viser avec une précision absolue et à un angle optimal.

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