Tokyo retient son souffle. Sur les avenues du quartier chic de Ginza, quelques couples endimanchés font du lèche-vitrine comme si de rien n'était. Deux jours après le violent séisme qui a fait tanguer les immeubles de la mégalopole japonaise, la vie tente de reprendre timidement son cours, mais le coeur n'y est pas.
Une nouvelle catastrophe
Dans les supermarchés, les étalages sont dévalisés : les biscuits, le lait, l'eau, les soupes instantanées ont été raflés par les habitants. Car les Tokyoïtes se préparent avec flegme à une nouvelle catastrophe. Ikumi, employée dans une grande entreprise européenne, fait ses courses et s'apprête à reprendre le travail comme chaque lundi. "Mais j'ai préparé une valise d'urgence en cas d'évacuation", ajoute la jeune femme.
Après le tremblement de terre de 8,9 sur l'échelle de Richter qui l'a frappée vendredi, la mégapole attend dans le calme une réplique de forte puissance pour les heures ou les jours à venir. L'agence météorologique nationale a jeté un froid en affirmant qu'il y avait 70 % de chances qu'un séisme de niveau 7 frappe la mégalopole dans les trois prochains jours. "Séisme de niveau 7, c'est Haïti", prévient Pierre Mouroux, expert à l'Association française du génie parasismique. De quoi convaincre la France d'appeler ses ressortissants à quitter la capitale.
Traumatisés par le nucléaire
"Bien sûr, il y a la peur du big one. Mais ce qui m'inquiète vraiment, c'est une catastrophe nucléaire", explique Shogo Hagiwara, traducteur de 37 ans. Le big one, c'est le cataclysme que les experts prédisent à la capitale depuis des décennies, une répétition du terrible tremblement de terre du Kanto en 1923 qui avait fauché plus de 150 000 personnes.
Mais c'est l'accident à la centrale nucléaire de Fukushima, à 200 kilomètres au nord de la capitale, qui plonge l'archipel dans l'inconnu. En cas d'explosion nucléaire, des vents défavorables pourraient répandre des particules radioactives sur la capitale en quelques heures.
Surtout, la population ne croit pas aux propos rassurants des autorités, soupçonnées de minimiser la gravité de la situation afin d'éviter un mouvement de panique. "Sur le nucléaire, le gouvernement ne dit pas la vérité", assène Makiko Wakai. Au lendemain du séisme, cette jeune trentenaire est rentrée en catastrophe dans l'archipel pour retrouver sa famille. "Si nous devons tomber, je préfère être avec les miens", conclut-elle en souriant.