Le vrai pouvoir du Vatican (21/12/2010)

Cette émission est passée sur Arte en novembre 2010.

 

Le Vrai Pouvoir du Vatican, de Jean-Michel Meurice

 
Depuis la création de l'Etat du Vatican, en 1929, sept papes et leurs neuf secrétaires d'Etat seulement ont assuré la continuité de la diplomatie papale. Ils ont été confrontés tour à tour au fascisme, au nazisme, à deux guerres mondiales, au totalitarisme soviétique, à la guerre civile espagnole, à l'extermination des juifs, aux purges staliniennes, à la guerre froide, aux dictatures sud-américaines, à la menace atomique. Dans le même temps l'Eglise, en particulier sous l'égide de Jean-Paul II, a pris une dimension sociopolitique universelle. Ce film en deux parties raconte l'histoire secrète de la diplomatie vaticane au cours du siècle dernier, notamment à partir d'archives très récemment ouvertes. Grâce aussi aux recherches d'historiens et aux témoignages approfondis de membres de la curie romaine, il révèle nombre d'aspects ignorés et restitue la complexité des faits.
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CRITIQUE TÉLÉRAMA

Tout ce que vous voulez savoir sur le Vatican ? Pas tout à fait, car les archives secrètes restent résolument muettes. Ce documentaire s'ouvre sur des images de 1893 : Léon XIII salue parce qu'on lui a bien expliqué qu'il s'agissait d'une caméra. Mais il est immobile. Un peu comme la diplomatie du Vatican qui, d'accords en concordats, négocie d'abord son influence, pèse le pour et le contre, se concilie avec des Etats, fussent-ils fascistes ou autoritaires. De passionnantes interventions d'ecclésiastiques et d'historiens reviennent ainsi sur les périodes brûlantes de l'Histoire : les accords ou désaccords avec Mussolini, avec Hitler, avec Franco, Khrouchtchev ou Gorbatchev. Les nonces et les conseillers avertissent, et le pape décide, tempère ou attend.

« Aspettare », maître-mot face à des régimes auxquels le Vatican n'accorde aucune confiance. Est-il vrai que Pie XII tentait, de son balcon, d'exorciser Hitler, qu'il considérait comme possédé par le Diable ? Un constat du réalisateur résume tout : « Il faut faire avec les gouvernements que les accidents de l'Histoire vous donnent. » L'historien Guy Hermet explique ainsi très clairement la position du Vatican pendant la guerre d'Espagne. Mais les guest-stars sont bien sûr Jean XXIII et Jean-Paul II, deux papes qui voyagent, même s'il faut parfois rendre visite à Pinochet. Beau documentaire dont la vertu principale est de montrer la complexité de la curie romaine, donc la complexité qui doit présider aux jugements que l'on porte sur elle.

Gilles Heuré

Télérama, Samedi 30 octobre 2010

 
9/10/2010 14:00


Un siècle dans les coulisses de la diplomatie vaticane

En se fondant sur des témoignages de première main, le documentaire d'Arte se  propose de comprendre de l'intérieur les mécanismes de la politique étrangère du Vatican

  

Un garde suisse au Vatican (photo de Meo/Ciric).

Les « armées » virtuelles du pape et de sa diplomatie ont toujours été un objet de fascination, voire de fantasme. On leur attribue une puissance d'autant plus importante qu'elle serait secrète, on lui prête des réseaux tapis dans l'ombre de chaque clocher d'église.

 

Malgré son titre quelque peu racoleur (Le Vrai Puvoir du Vatican), le premier mérite de ce documentaire en deux parties (diffusé mercredi 3 novembre à 20 h 40 sur Arte) est de rompre avec cet imaginaire.

Jean-Michel Meurice a très honnêtement pris son bâton de pèlerin, ou plutôt sa caméra, pour aller à la source : consultation des archives romaines, des historiens, et surtout, pour les périodes les plus récentes, de tous ceux qui ont joué un rôle diplomatique au Saint-Siège ces cinquante dernières années. Ce qui lui permet de mettre en lumière de l'ntérieur les motivations des responsables d'Église. Jamais l'auteur ne juge. Il se contente de rapporter.

 

La cicatrice du « Kulturkampf »

L'origine, c'est 1870 : avec la perte des derniers territoires pontificaux, personne n'aurait alors parié sur l'avenir d'une papauté dépassée par l'Europe des nations en train de naître. Mais de ce qui aurait pu signer sa fin, le pape va faire une force, l'État symbolique devenant l'arme d'une conscience morale universelle. Cela grâce aux accords du Latran, dont le film retrace la lente négociation, soulignant le pragmatisme des hommes du Vatican face à Mussolini.

Les premiers temps de cette nouvelle diplomatie ne sont pas de tout repos : montée du fascisme et du nazisme, guerre d'Espagne, et danger du communisme. Dans ce contexte, Jean-Michel Meurice veut comprendre : la principale motivation du pape est alors de protéger les catholiques et préserver les Églises locales.

Des films d'archives nous montrent le jeune Pacelli, futur Pie XII, nonce à Munich, et durablement marqué par le désordre dans lequel l'Allemagne vit la défaite de 1918. Très clair encore, l'arrière-fond qui va expliquer l'attitude de la hiérarchie catholique allemande durant le nazisme, avec la cicatrice du « Kulturkampf ».

On attendait évidemment le passage sur le « silence » de Pie XII face à l'extermination du peuple juif. Le sujet est traité, même si on peut regretter la part trop belle faite, dans les témoignages, au jésuite allemand Peter Gumpel, postulateur de la cause de béatification de Pie XII et donc partie prenante.

Manque une évaluation plus objective de l'action du pape

Le passage évoquant le pape de l'époque exorcisant Hitler, du balcon de la place Saint-Pierre, aurait mérité un minimum de recul, tant ce geste semble décalé face à l'ampleur du drame. Même souci d'explication pour l'Espagne de la guerre civile et du franquisme : l'intransigeance de l'Église locale, le massacre des prêtres, religieux et religieuses, voilà qui éclaire les tensions encore perceptibles de la société espagnole d'aujourd'hui.

Après-guerre, la vision diplomatique s'élargit à l'Europe de l'Est et au monde. La « plume » est alors tenue par les témoins eux-mêmes. C'est passionnant, lorsque le cardinal Achille Silvestrini, qui était représentant du Saint-Siège à la signature des accords d'Helsinki, explique comment fut votée la fameuse « troisième corbeille », celle concernant les droits de l'homme, sans que l'on se rende compte alors de sa portée pour les opposants au communisme.

D'ailleurs, jamais les contacts entre les deux Églises, de part et d'autre du rideau de fer, ne furent réellement interrompus. Le cardinal Jean-Louis Tauran, à l'époque « ministre » des affaires étrangères de Jean-Paul II, est aussi un bon témoin de la « geste wojtylienne ». On connaissait la part prise par le pape polonais dans la chute du Mur.

Manque cependant une évaluation plus objective de l'action du pape, qui aurait mieux pris la mesure d'autres aspects de cette diplomatie, par exemple en Irak ou en Amérique latine. Le final, les funérailles de Jean-Paul II en 2005, offre de fait un miroir saisissant de l'écho international alors atteint par la papauté, ne serait-ce que par la foule impressionnante des grands de ce monde, venue se recueillir place Saint-Pierre. Mais elle donne lieu à une conclusion quelque peu grandiloquente, qui nuit à la qualité globale de cet excellent documentaire.

 

Isabelle de Gaulmyn

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